Un spectacle grandiose et impressionnant que cette fantaisie baroque qui se fond dans une fable mélancolique mêlée de burlesque. Un spectacle qui respecte les codes de la zarzuela originale tout en la magnifiant par une poétique prononcée qui ravit le public tout en le surprenant. Dans la lignée des origines de la zarzuela, cette œuvre est une pastorale mythologique qui emprunte ici la légende de Coronis à Ovide.
Sebastián Durón crée Coronis vers 1705. Cet opéra baroque particulier présente un genre musical peu connu, la zarzuela, qui donnera plus tard les contours de l’opéra-comique français et du Singspiel allemand. La zarzuela est traditionnellement composée de parties chantés et parlées sur un thème mythologique. Avec Coronis, Durón choisit de renforcer la dimension lyrique et poétique de la zarzuela en écrivant une partition totalement chantée.
« Sa distribution reflète en majorité une Espagne où, au sein des troupes théâtrales, seules les femmes étaient formées au chant. Son caractère spectaculaire, son mélange de tragique et de burlesque, sa richesse musicale combinent chœurs fastueux, airs de forme italienne et chansons populaires espagnoles. »
Une remarquable créativité traverse tout le spectacle et vient renforcer le burlesque et l’onirisme de la narration exprimés avec délicatesse, élégance et éclat par les voix et la musique. L’inventivité et l’audace manifestes, depuis les accessoires aux splendides costumes jusqu’aux décors pittoresques, contribuent à donner une dimension extravagante à l’ensemble. Un spectacle qui nous plonge dans le merveilleux.
De la partition de Durón, magistralement dirigée par Vincent Dumestre, à sa mise en vie par Omar Porras, tout est remarquable. Le soin apporté au travail et l’aisance à le restituer offrent une chatoyante représentation de cette œuvre musicale très rarement donnée. Le metteur en scène, l’orchestre et son chef, les techniciens du spectacle et les artistes au plateau, toute la distribution est à saluer.
La malice dans les jeux des situations et des intermèdes, la simplicité des factures d'apparence artisanale mais soigneusement élaborées et splendides, les effets magiques de la pyrotechnie et les nombreux clins d’œil et adresses complices au public, donnent au spectacle une impression d’ensemble qui rappelle la dimension féérique éminemment divertissante de la zarzuela, qui la rendra si populaire.
Les chants de pleine voix, des lamentos aux arias da capo en passant par les cuatros ou les chœurs, jusqu’à la fiesta finale, apportent couleurs et velours, faste et humour, et servent la partition avec un brio détonnant et exemplaire. Cyril Auvity, Victoire Bunel, Isabelle Druet, Marielou Jacquard, Eugénie Lefebvre, Caroline Meng, Stephan Olry, Marie Perbost et Anthea Pichanick y excellent par la qualité des timbres, la puissance et la musicalité.
L’orchestre Le Poème Harmonique recèle l’art de la musique baroque, que les musiciens savent nous faire partager avec finesse et virtuosité. L’occasion de découvrir ou de retrouver le son des instruments anciens comme l’ottavino, le théorbe, la viole de Gambe ou le violone. Un vif plaisir.
Une superbe découverte que cette zarzuela servie tout en splendeur par une magnifique troupe. Un moment de théâtre musical inoubliable savoureusement féérique, de très belle tenue artistique.
Spectacle vu le 14 février 2022
Frédéric Perez
Zarzuela de Sebastián Durón (librettiste anonyme). Direction musicale de Vincent Dumestre. Mise en scène et chorégraphie de Omar Porras. Décors de Amélie Kiritzé – Topor. Costumes des Ateliers MBV Bruno Fatalot. Lumières de Mathias Roche. Accessoires de Laurent Boulanger. Maquillage et coiffure de Véronique Soulier-Nguyen.
Avec Cyril Auvity, Victoire Bunel, Isabelle Druet, Marielou Jacquard, Eugénie Lefebvre, Caroline Meng, Stephan Olry, Marie Perbost et Anthea Pichanick.
Danseurs et acrobates : Alice Botelho, David Cami de Baix, Elodie Chan, Caroline Le Roy, Ely Morcillo et Michaël Pallandre.
Orchestre : Le Poème Harmonique.