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Une pièce de Naomi Wallace qui tient l’auditoire en haleine. Grâce à son écriture singulièrement réaliste et légère à la fois, touchant par moments au rêve éveillé, très vite, nous pressentons les tensions qui progressent lentement. Des tensions qui dessinent implacablement le destin de ces deux jeunes femmes dans l’Amérique des années cinquante, subissant le déterminisme social, le racisme, la discrimination et la pauvreté. Un spectacle qui se colore de touches d’espoir, de pas de côté innocents, de naïveté sincère, venant de l’enfance encore proche et de la volonté toujours vive de s’en sortir malgré tout et quelle qu’en soit l’issue.

« La jeune Jamie et la jeune Dee, l’une Noire, l’autre Blanche, se rencontrent en prison quelque part dans les Etats-Unis des années cinquante. Naît entre elles une amitié passionnée, une complicité amoureuse, une envie de poursuivre la route ensemble. Elles se rêvent en domestiques, s’entraident, répètent fiévreusement leurs rôles de bonnes à tout faire. Quelques années plus tard, elles partagent le même logement sordide. Leurs rêves, si modestes qu’ils aient été, se sont heurtés au mépris de classe et à la ségrégation. »

Le fil narratif se dédouble, artefact surprenant et attractif. Deux périodes en aller-retours permanents entre passé et présent s’alternent puis se superposent dans une magnifique scène finale, pour raconter cette histoire. Jamie et Dee se jaugent d’abord, s’affrontent et se confrontent puis s’allient. Entre elles, la complicité devient si forte qu'elle en devient palpable, au-delà de l’affection qui se noue, au-delà de l’amitié amoureuse qui se crée. La jalousie et l’empathie des liens entrelacés nourrissent leur espoir de bonheur et leur lutte pour se sortir du malheur de la réalité.

Dans une épure stricte quasi clinique de la scénographie, la mise scène et la direction de jeux de René Loyon donnent au texte une approche naturaliste et sensible. La dramaturgie centre l’attention sur l’intimité qui se noue entre les deux femmes. Un fil de vie qui les maintient, les rassure et les renforce dans l’ambition de leurs projets comme dans la conclusion qu’elles leurs donneront. Toujours ensemble.

Quatre comédiennes en duo pour vivre ces récits. Sarah Labrin et Morgane Real dans une cellule de la prison hier, Roxanne Roux et Juliette Speck dans leur chambre aujourd’hui. Toutes les quatre sont superbes dans leurs rôles. La fougue comme la douleur, la rage comme la volonté froide, ressortent avec précision et engagement. Elles arrivent à créer un monde intérieur de leurs relations duelles, qui exprime avec force l’alliance qui les unit. Troublantes et percutantes interprétations.

Un texte fort et prégnant. Une mise en vie précise et soignée. Un spectacle captivant.

 

Spectacle vu le 5 mars 2022

Frédéric Perez

 

De Naomi Wallace. Traduction de Dominique Hollier. Mise en scène de René Loyon. Dramaturgie de Laurence Campet. Scénographie de Nicolas Sire. Lumières de Laurent Castaingt. Costumes de Nathalie Martella. Musique de Aguirre.

Avec Sarah Labrin, Morgane Real, Roxanne Roux et Juliette Speck.

 

 

Du samedi au samedi à 21h00, le samedi et le dimanche à 16h30

Route du Champ de Manœuvre, Paris 12ème

01.48.08.39.74 www.epeedebois.com

 

Photo © DR

Photo © DR

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