Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Du mythe de la Grèce antique à la fable moderne, l’auteur Florian Pâque prend les chemins de traverse de la dénonciation par le rire pour désigner en les singeant les rapports de force et de pouvoir inscrits dans le monde du travail et par extrapolation ceux que la société fait rejaillir sur les relations de chacun à son propre désir de vivre et son aspiration au bonheur.

C’est, comme à son habitude, plein de profondeur de sens, léger et vif dans le ton utilisé pour suffisamment attirer l’attention, capter la raison et laisser les sensations venir nous toucher.

« À chaque fois que les portes s’ouvrent, Monsieur S. s’étonne de n’avoir pas changé d’étage. Il appuie pourtant sur le bon bouton. Il le sent, l’ascenseur monte. Mais quand les portes s’ouvrent, Monsieur S. est encore au rez-de-chaussée. Et s'il était condamné à ne jamais s’élever... ? Sous les traits kafkaïens de Monsieur S. se cache la figure de Sisyphe. Dans cette relecture socialo-loufoque du mythe, rien d’étonnant à ce qu’un paysan du Moyen Âge se confonde avec un livreur Deliveroo ou qu’un moine franciscain ait des allures d’algorithme. Car si les Sisyphes changent, le châtiment perdure. 

Face à cet inlassable manège de situations singulières appartenant au même registre, qui nous intriguent et nous forcent à comprendre, faut-il voir la prescription d’un destin auquel se soumettre ou les différents possibles qui pourraient nous émanciper ? Sisyphe et ses doubles viennent-ils nous inviter à la révolte contre le joug ?

Si le sourire et parfois le rire nous accompagnent tout le long, la réflexion n’est pas exsangue. L’humour corrosif ou cynique des situations et des répliques qui tracent des sillons de vérité nous invitent à penser notre liberté. Et si Camus voyait ce spectacle, dirait-il à nouveau qu’il faut imaginer Sisyphe heureux, ou pas ?

La mise en scène de l’auteur regorge d’ingéniosité, nous suspendant à ce récit intelligent empruntant délibérément l'absurde pour son énonciation. L’interprétation de Loelia Salvador, Nicolas Schmitt et Florian Pâque répondent aux peines des Sisyphes et les font étinceler. Elle et ils « remontent ces fichus rochers, » avec la hargne de convaincre et l’audace d’en rire. Fougueux et engagés, ces trois trublions savent nous tenir en haleine et servent à merveille, tout en nuances, ce texte bien tourné.

Un spectacle surprenant et audacieux qui interpelle. Une très belle découverte du festival que je conseille vivement.

 

Spectacle vu le 20 juillet 2022

Frédéric Perez

 

Écriture et mise en scène de Florian Pâque. Lumières de Raphaël Bertomeu. Son de Camille Vitté. Vidéo de Florian Pâque Scénographie de Marlène Berkane. Costumes de Jérémy Vitté. Assistanat de Margaux Debrade.

Avec Loelia Salvador, Nicolas Schmitt et Florian Pâque.

 

 

Jusqu’au 30 juillet à 15h25

(relâche les jours impairs)

 

Photo © DR

Photo © DR

Photo © DR

Photo © DR

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :