Un spectacle-vérité pour un rire de dénonciation. Une comédie grinçante qui déshabille adroitement la charité classieuse et quasi rédemptrice des samaritains urbains de bon aloi. Muriel Gaudin signe un texte décapant et nécessaire pour poser devant nous un miroir éclatant de réflexion, placé sous le feu des lumières de la représentation théâtrale. Une sorte de monstrueuse démonstration réaliste qui cingle au visage et fait gicler au loin le bien fabriqué pour couvrir le mal sans le déraciner.
« Elsa a tout ce qu'il faut pour être heureuse. Un mari, une fille, un travail, une maison, un joli jardin et un amant. Elle décide d'héberger Malik, mineur isolé venu d'Afrique. Une petite pierre à l'édifice et quand même la moindre des choses, non ? Christophe, son mari, et Ninon, leur fille, ne peuvent qu’être d’accord. L'aventure sera exaltante, le mélange des cultures fonctionnera à merveille. Mais Elsa n'imaginait pas qu’il fonctionnerait ainsi. Accueillir un migrant est une expérience fabuleuse, quand chacun reste à sa place… »
Quand le bon sens conduit à prendre conscience de l’écart entre le don et la dette, don d’hospitalité face à la dette de l’aisance, permet-il de se dédouaner du statut social de la bourgeoisie nantie et bien-pensante ? Œuvre de bonté oui mais pour qui ? Comment faire bon ménage avec les compromissions des habitus, accepter les arrangements avec ses certitudes et surprendre les découvertes des bassesses ambiantes cachées sous le tapis du quotidien ?
La mise en scène de Pierre Notte établit le cadre d’une fiction-réalité, sans concession, crue et cruelle pour toujours être vraie. Toute la place est laissée à l’humour qui pique et ravage, qui soulage aussi. Les jeux sont dirigés dans un naturalisme à la simplicité foudroyante de vérité, renforçant la puissance d’évocation des situations et des propos.
Les comédiens Fleur Fitoussi, Muriel Gaudin, Benoit Girost, Antoine Kobi et Emmanuel Lemire campent leurs personnages avec finesse et sans en rajouter, les rendant crédibles et convaincants. C’est criant de vérité, drôle et saccageur.
Un spectacle comme du poil à gratter qu’on imagine pour gêner la danse des bienfaiteurs heureux ou presque. Nous rions, jaune parfois, franchement souvent. Nous le savons, le rire est libérateur de nos pulsions, mais de nos pensées aussi. C’est bien dit, bien fait et bien joué. Un conseil ? Courez voir ce spectacle !
Spectacle vu le 16 juillet 2022
Frédéric Perez
Texte de Muriel Gaudin. Mise en scène de Pierre Notte. Scénographie de François Gauthier-Lafaye. Musique de Clément Walker-Viry. Création Lumières de Antonio de Carvalho. Costumes de Sarah Leterrier.
Avec Fleur Fitoussi, Muriel Gaudin, Benoit Girost, Antoine Kobi, Emmanuel Lemire et à la musique, Clément Walker-Viry.
Jusqu’au 30 juillet à 13h05
(relâche le lundi)