L’évidente actualité de cette adaptation du texte de Henrik Ibsen est criante de vérité. Le spectacle est volontairement intrusif, le dispositif scénique par l’installation quadri frontale du public empêche le quatrième mur d’établir son filtre protecteur. Si ce n’est pas du spectacle vivant et vibrant que cela, je ne saurais pas dire ce que c’est alors.
« Tomas Stockmann est le médecin des bains de la ville. Il est amoureux, a deux enfants en bas âge, des amis fidèles et un frère, Maire de la ville. Pris entre ses idéaux politiques naissant et la lâcheté de ses concitoyens, il va devoir se débattre pour révéler l’ampleur d’une crise sanitaire. »
Du théâtre politique et social dans tous les bons sens du terme, comme on aime, comme il doit être possible de voir, pour réfléchir, se positionner et ne pas se laisser perdre ni prendre par la lassitude ambiante qui relègue au loin l’urgence de cette prise de conscience et de sa mise en actes.
Mais c’est aussi et surtout une formidable représentation théâtrale qui prend corps et âme le spectateur dans ce qu’il y a de plus captivant au théâtre, la mise en abyme cathartique, la représentation du réel passé au tamis d’une théâtralité réussie.
Le chemin emprunté par le personnage de Tomas, comme souvent chez Ibsen, est jalonné d’embûches où la morale et l’argent dressent des digues face auxquelles seule une vindicative radicalité quasi obsessionnelle peut oser se dresser. Tomas réussira-t-il son combat ? Quelle sera l'issue de cette lutte acharnée, la justice, la vérité, la folie ?
L’argument, la narration et la mise en vie de cette pièce nous concerne amplement et se projette devant nous et jusqu’à nous de plein fouet. Pour cela, la mise en scène directe et sans concession de Guillaume Gras, et sa direction de jeux, conviennent tout à fait. Les comédiens Ivan Cori, Marie Guignard, Eurialle Livaudais, Bruno Ouzeau, Nicolas Perrochet et Gonzague Van Bervesseles sont convaincants tant leur engagement est entier, leur jeu sincère et nuancé, à l’image des personnages qu’ils servent avec intensité et densité. Superbe interprétation.
Un spectacle coup de cœur, nécessaire, fluide et convaincant, et surtout bien joué. À ne surtout pas manquer.
Spectacle vu le 15 juillet 2022
Frédéric Perez
Librement adapté de l'œuvre de Henrik Ibsen. Mise en scène et adaptation de Guillaume Gras. Lumières de Grégoire de Lafond.
Avec Ivan Cori, Marie Guignard, Eurialle Livaudais, Bruno Ouzeau, Nicolas Perrochet et Gonzague Van Bervesseles.
Jusqu’au 23 juillet à 13h00
(relâche le 19)