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Un pur régal ! Catherine Hiegel est à nouveau impressionnante et époustouflante. Quel délice de spectacle, quelle prestation extraordinaire quoiqu’avec cette grande dame de l’art théâtral, tout ce qu’elle touche est formidable, neuf, envoutant, tellement vrai… et donc, dire « extraordinaire » est sans doute une redondance mais c’est pourtant la juste façon d’exalter sa joie, son plaisir d’avoir assister à cette leçon. Car leçon il y a. Technique et vérité, nuances et émotions, de la plus petite rupture de jeu à l’éclat d’expression qui fuse, chaque geste, chaque parole, chaque regard, est signifiant, vient nous toucher et souvent nous surprendre, sans coup férir.

« En piste : une chanteuse de music-hall sur le retour révèle face au public ses aventures de tournées. Se produisant le plus souvent dans des salles des fêtes avec ses deux Boys, elle entretiendra l’illusion d’un grand spectacle pour ne pas laisser mourir ses rêves. »

Au milieu du plateau, au bord tout près de nous, un tabouret haut attend que le spectacle commence. « Lente et désinvolte » comme nous l’entendrons souvent, digne et pathétique dans sa robe noire de meneuse de revue, paillettes autour de yeux, la Fille approche et vient s’y installer.

Et là, commence un flot de révélations et de considérations, truffé de retours en arrière et de répétitions que la Fille entend nous dire ou se dire, en quête d'une troublante et vaine reconnaissance identitaire d'artiste de music-hall ou de femme, on ne sait pas, on ne sait plus. Qui parle, la chanteuse ou la femme ? Toutes les deux délivrent un même passé, vide de plaisirs et chargé de routines. Pour nous autant que pour elle et ses deux boys présents.

Pas d'histoire dans cette pièce, oh non, hormis la sienne, faite de salles minables en illusions d'espoirs, de panaches avérés et lointains ou rêvés et restitués comme autant de fantasmes mélancoliques et mortifères qui occupent la pensée pour ne pas les laisser sombrer dans l’oubli ou l’enfermement des murs de la folie.

Le texte fort au parlé si particulier de Jean-Luc Lagarce, ponctué par les répétitions de mots ou de formules et les ruptures de phrases, rythmé par une forme de prose proche du récitatif, est donné ici dans une fluidité évidente.

La mise en scène de Martial Di Fonzo Bo illumine le propos de la Fille, celui de ses partenaires, leurs danses et leurs chants aussi, dans des flux permanents de situations qui relèvent du merveilleux. Une singulière et envoutante ambiance nous baigne dans une sorte de floutage onirique qui ne nous laisse jamais perdre le fil de l’intimité qui se dévoile, implacablement et inlassablement décrite par cette présence lunaire et aquoiboniste de cette femme magnifique.

Les nombreuses émotions ressenties couvrent une palette qui va de l’autodérision jusqu’à la souffrance, en passant par l’humour grinçant de ce splendide personnage. La justesse et la sincérité sont saisissantes tant chez Catherine Hiegel bien sûr que chez Raoul Fernandez et Pascal Ternisien, splendides et complémentaires boys de la Fille.

Ce spectacle est un petit bijou qui restitue toute la force et le charme poétique de l’univers de Lagarce. Il s’en dégage une surprenante et mélancolique sensualité, une émotion ténue et prégnante. Incontournable rendez-vous avec Catherine Hiegel avant tout. À ne surtout pas manquer !

Spectacle vu le 21 octobre 2022

Frédéric Perez

 

De Jean-Luc Lagarce. Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo. Costumes de Mine Barral Vergez. Création musicale de Étienne Bonhomme.

Avec Catherine Hiegel, Raoul Fernandez et Pascal Ternisien.

 

 

Du mardi au samedi à 19h00 ou 21h00 (en alternance)

le dimanche à 16h00

18 boulevard Saint-Martin Paris 10ème

01.42.08.00.32  www.petitsaintmartin.com

 

Photo © DR

Photo © DR

Photo © DR

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