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Joël Pommerat écrit en 1995 cette pièce aux formes décousues d'un puzzle composé de morceaux de réalité, que nous vivons comme un parcours labyrinthique étrange. Le mystère y cède peu à peu la place à un récit aux aspects fantomatiques, ancré dans un réalisme fantastique surprenant et tapissé de vraisemblances.

« Elda Older a des troubles de la mémoire. Elle rencontre Alexandre-Maurice, le modèle de son frère sculpteur. Elle le recueille chez elle et veut lui faire écrire son histoire : vingt ans plus tôt, dans un appartement qui ressemble étrangement au sien, vivaient Alexandre-Maurice, son frère Saltz et leur mère impotente ; jusqu’à ce que les propriétaires menacent de les expulser. Pour protéger sa mère, Alexandre-Maurice l’aurait-il tuée ? »

Une narration longue et lente composée de réminiscences empilées qui resurgissent par à-coups pour progressivement dessiner une histoire.

La découpe du fil narratif en plusieurs tableaux entrecoupés de noirs est illustrative du message de l'auteur sur la mémoire, comme les flashs d’un passé qui s’impose ou qu’on souhaite retrouver.

Pertes ou oublis, rappels de souvenirs ou séquences vécues enfouies, pathologies neurologiques ou phobiques, névroses ou déliquescences liées au passage du temps, lesquels comptent parmi les traverses que l’auteur fait emprunter à Elda ou Alexandre-Maurice ? Pommerat construit son récit à partir des failles de l’enregistrement des informations conservées des expériences humaines. Le contexte des situations dépeint comment que les gens s’en emparent, ce que cela cause ou conduit comme effets dans la vie des personnes concernées et de leur entourage. Les spectateurs ne peuvent qu’être impressionnés par ce que la pièce évoque de troubles semés ou de souffrances engendrées.

L’absence de décor suggestif, le plateau étant uniquement pourvu de panneaux et d'accessoires, centre l'attention sur les personnages et leurs mouvements, éclairés subtilement par Marc Augustin-Viguier.

La mise en scène de Christophe Hatey et Florence Marschal s'installe dans cette épure d'atours et renforce toutes les dimensions expressives du texte. Apparaissent distinctement, parfois avec emphase et grotesque, les excès de fureur, de terreur et de panique, comme les abattements quasi dépressifs au bord de passages à l’acte agressifs. Les jeux naturalistes vont s’étirer alors et se loger soudainement dans l’exagération. Une façon d’expressivité qui colore les scènes et leur confère une étrangeté impressionnante allant jusqu’au comique.

La distribution est efficace et convaincante. Emilien Audibert, Jean-Jacques Boutin, Loïc Fieffé, Tristan Godat, Christophe Hatey, Florence Marschal, Carine Regincos et Samantha Sanson sont toutes et tous justes et crédibles dans cette partition complexe.

Un spectacle qui convoque une attention soutenue pour un plaisir de théâtre exigeant assuré.

 

Spectacle vu le 23 octobre 2022

Frédéric Perez

 

De Joël Pommerat. Mise en scène de Christophe Hatey et Florence Marschal. Création lumière de Marc Augustin-Viguier. Arrangements et captations sonores de Christophe Hatey.

Avec Emilien Audibert, Jean-Jacques Boutin, Loïc Fieffé, Tristan Godat, Christophe Hatey, Florence Marschal, Carine Regincos, Samantha Sanson et en alternance Romain Briand, Nina Hatey, Charly Thicot.

 

 

Jusqu’au 6 novembre

Du jeudi au samedi à 21h00

Matinées le samedi et le dimanche à 16h30

Route du Champ de Manœuvre, Paris 12ème

01.48.08.39.74  www.epeedebois.com

 

Photo © DR

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