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Un spectacle très drôle aux nombreux rebonds décalés et aux allants ubuesques. Nous retrouvons avec bonheur l’esprit saccageur de l’Oulipo, « Ouvroir de Littérature Potentielle (au début, une dizaine d’écrivains et de mathématiciens réunis en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais, s’inventent des contraintes pour atteindre une fantaisie poétique illimitée) »

Hervé Le Tellier réunit ici une équipe d’autrices et d’auteurs de combat pour notre plus grand plaisir. Les récits abracadabrantesques qui n’auraient rien à envier d'un surréalisme mélangé à une sauce farce façon roublarde, regorgent de propos piqués et piquants, à côté ou dedans c’est selon, mais qui nous percutent toujours dans le mile.

« Une salle de conférences, joyeux capharnaüm de bric et de broc : deux drôles de zèbres se targuent de mille qualités, tour à tour champion de ski ou psychanalyste, buveur ou « terminateur de spectacle », mais toujours sur le même modèle vingt fois décliné : ’’Mon métier consiste à…’’. Ils alignent avec fierté et ridicule autant d’autoportraits burlesques de « métiers d’homme » et trébuchent depuis le piédestal de leur mégalomanie. » 

C’était à prévoir, ce spectacle oulipien se gausse de la normalité. Y compris de celle qu'il confère à son apparence. La duperie récurrente et manifeste ne s'épargne pas elle-même, brouillant les codes de la sémantique. L’abattage se fait féroce, par moments sauvage voire barbare et disons-le tout net, au topissime de l’irrévérence de l'académisme ordinaire… Et que c’est bon !

Le loufoque se glisse tout partout : Dans le décalage entre le dit et le vu ; dans le comique de répétition qui devient un acte de contrition solidaire dont nous nous faisons volontiers complices ; dans le dérapage contrôlé sur le sens des situations ainsi détourées. Délicieusement dérangeants, les propos nous enchantent, les formules ricochent et les mots jonglent avec les images (au sens propre comme au figuré).

L’autodérision règne jusqu’à tâter l’homme dans sa virilité érigée en totem de la masculinité. Le « plus fort » en maths, en gym et en bassesse mégalomaniaque grandiloquente ; le « plus beau » et le « plus performant » bien sûr. De ceux qu’on met sur orbite et qui ne finiront jamais de tourner.

Admirables comédiens, Denis Fouquereau et David Migeot ont tout compris de l’alphabet oulipien. Ils se délectent, et nous avec, de cet univers fantasmagorique et fantastiquement drôle, qu’ils ont conçu et qu’ils interprètent avec excellence. C’est un buffet de délices qu’ils ont concocté et nous offrent là.

Ce spectacle est sans nul doute exemplaire de l’art de l’Oulipo. Les textes sont superbement léchés, jouant avec réussite le jeu démoniaque des contraintes. La conception finement ficelée et la mise en vie attractive et adroite, réalisées par les deux comédiens, sont tout simplement remarquables. Plus je dors, plus je mange, plus j’y pense, plus je suis convaincu que ce spectacle est incontournable. Courez-y !

 

Spectacle vu le 16 novembre 2022

Frédéric Perez

 

Texte de l'Oulipo. Auteurs : Michèle Audin, Paul Fournel, Denis Fouquereau Jacques Jouet, Hervé Le Tellier, Clémentine Mélois, David Migeot et Ian Monk. Direction artistique : Hervé Le Tellier.

Conception et interprétation : Denis Fouquereau et David Migeot.

 

 

Du mardi au samedi à 18h30 et le dimanche à 15h30

2 bis avenue Franklin Roosevelt, Paris 8ème

01.44.95.98.00  www.theatredurondpoint.fr

 

Photo © DR

Photo © DR

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