Pourquoi j’ai cette impression d’avoir assisté à quelque chose d’unique, d’irrévocable et de mémorable ? L’interprétation de Dominique Blanc, sans aucun doute bien sûr. Sa pureté, sa densité, sa fulgurance. Et certainement aussi cette terrible force d’évocation du récit, la puissance cathartique d’une douleur dévoilée surgie de l’intime et la dénonciation de ses causes criée pour expurger et faire savoir, pour ne pas oublier.
« Écrit autobiographique d’un parcours insupportable miné par l’attente. À Paris, en 1945, seule, Marguerite Duras cherche à savoir ce qu’est devenu son mari, l’écrivain et résistant Robert Antelme, alias « Robert L. », déporté politique en juin 1944 en Allemagne. Par-delà la description du chaos de l’époque ou de celle des soldats retrouvant leur foyer, le texte interroge l’incassable fragilité de l’espoir et les modulations du sentiment amoureux. Marguerite retrouvera-t-elle son mari ? Dans quel état ? Quel amour après l’absence ? Après la résurrection ? »
Le texte de Duras décrit le cheminement labyrinthique de la douleur de l’attente et des dégâts causés par le doute qui s’en empare. Le désespoir mêlé à l’entêtement, l’incertitude rejointe par la résignation, le combat à livrer ou la mort à attendre. Mais pas que... Il y a l’histoire dans l’Histoire. Dites et exprimées avec netteté. Implacables, crues et cruelles. Il y a comme une transmission nécessaire et lucide qui conduit vers une transposition étonnamment juste qui vient nous parler de nous et d’aujourd’hui, aussi.
La mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang est lipide et fluide. Pas d’inutile ni de trop. Juste l’interprétation habitée d’un récit terrible et captivant grâce à la maitrise de la voix et du corps, à une expressivité envoutante d’une comédienne éblouissante de talent.
Dominique Blanc nous cueille aussitôt qu’elle parle et nous tient en haleine tout le long. Chaque mot, chaque geste, chaque déplacement, semble pesé et posé à sa bonne place. Tout est vrai, tout est signifiant. Intensité et profondeur du sentiment vécu, restitué telle une évidence et ressenti tel qu’il est, dans une flagrante et spectaculaire simplicité.
Quelle performance !
Un texte sombre et prégnant, un moment magique comme le théâtre sait nous en faire vivre. Une leçon. La mise en vie de Dominique Blanc relève de l’exceptionnel. À ne surtout pas manquer !
Spectacle vu le 29 novembre 2022
Frédéric Perez
Texte de Marguerite Duras. Mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang. Création et régie lumière de Gilles Bottachi. Régie générale de Paul Besnard.
Avec Dominique Blanc, sociétaire de la Comédie-Française.
Jusqu’au 11 décembre
Du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 16h00
Bord de scène le 7 décembre après la représentation
Square de l’Opéra Louis Jouvet, Paris 9ème
01.53.05.19.19 www.athenee-theatre.com