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Entre un récit au réalisme social conjugué aux présents d'aujourd'hui et d'hier, et une uchronie teintée de naturalisme expressif, ce spectacle est totalement surprenant par sa scénographie savamment étudiée, les jeux incarnés avec une fluidité incroyable et des rebondissements narratifs surprenants.

« Los Años (les Années) raconte une ville, Buenos Aires, et un groupe d’amis dans une parenthèse de 30 ans. Deux appartements identiques côte à côte. Dans l’un, deux couples d’amis, architectes, ont des projets plein la tête et un bébé en route. Nous sommes en 2020. Dans l’autre, un seul couple d’architectes recomposé a survécu au passage du temps et le bébé est désormais fille et belle fille de ce couple. Nous sommes en 2050. Tout se joue simultanément, à vue. »

L’illusion immédiate du décor trouble l’imaginaire par des similitudes un rien bousculées où l’effet de ressemblance joue des ombres et des traces que les passages du temps semblent avoir opéré. Il y a comme une énigme qui nous accueille tout d’abord dans ce récit labyrinthique qui se meut progressivement en une quête de raisons de vivre et d’émotions des expériences vécues.

Le fil narratif est porté par une actrice qui s’adresse à nous comme une conférencière le ferait pour scander de ses propos les fictions qui s’enchaînent derrière elle et auxquelles elle prend part sans qu’aucun filtre vienne troubler la vraissemblance.

Nous voici confrontées au temps qui passe et au temps passé ; aux aléas de l’histoire familiale et de l’histoire sociale ; leur conjugaison et leurs influences réciproques ; les effets de la mémoire sur les changements survenus, en cours ou à venir.

Un spectacle comme une ballade impromptue et incongrue dans des chemins de vie. Une ballade qui nous renvoie à l’intimité des attentes et des désirs, aux réminiscences et aux oublis enfouis que l’on sent proches mais qu’on ne perçoit pas alors. Comme un trouble lancinant et attractif qui ouvre des portent à des questions en suspens.

Que reste-t-il d’essentiel de ces avants et après entrelacés ? La force des valeurs humaines s’est-elle atténuée, renforcée ou adoucie au fil du temps ? Dans ce milieu d’architectes préoccupés par l’importance symbolique des édifices, leur vision du bâti s’est-elle transformée comme pourrait l’être le sentiment d’appartenance ou la conception de la vie ?

Une mise en scène par l’auteur Mariano Pensotti, savante et fluide jouant sur plusieurs tableaux et mobilisant plusieurs techniques. Les comédiens Mara Bestelli, Paco Gorriz, Julian Keck, Javier Lorenzo et Bárbara Masso nous offrent une interprétation magistrale, proche de l’incarnation et merveilleusement orchestrée par la narratrice.

Un spectacle original et captivant, chaleureux et prégnant. Un beau et fort moment de théâtre.

 

Spectacle vu le 16 décembre 2022

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène de Mariano Pensotti. Dramaturgie de Aljoscha Begrich et Martín Valdés-Stauber (Münchner Kammerspiele). Conception des lumières de David Seldes. Vidéo de Martín Borini. Son de Ernesto Fara. Décor et costumes de Mariana Tirantte. Chorégraphie de Luciana Acuña.

Musique et musicien : Diego Vainer.

Avec Mara Bestelli, Paco Gorriz, Julian Keck, Javier Lorenzo et Bárbara Masso.

Photo © Isabel Machado Rios

Photo © Isabel Machado Rios

Photo © Isabel Machado Rios

Photo © Isabel Machado Rios

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