Voici la biographie qu’il présente à l’accueil de son site (!) :
Denis Frémond, vous êtes né à Versailles en 1951.
Pas du tout, non, je suis né au Havre en 1950.
Pardon ! Votre père était un célèbre poète espagnol, je crois.
Oh non, il était matador de taureaux dans une entreprise de consulting sur le port de Hambourg.
Très bien... Hambourg, donc, je le note. Bien. Votre mère est une véliplanchiste originaire d'une ethnie d'Asie centrale...
Paix à son âme... mais si vous voulez, je ne suis pas contrariant, vous savez. Vous avez raison de plaisanter, ces biographies sont inutiles et le plus souvent ennuyeuses, convenues. Nous sommes des gens si sérieux, nous les peintres, avec nos litanies d'expositions, de salons, de collections privées. Mais les gens souhaitent malgré tout connaître le peintre, ses origines, son cheminement, ses sources d'inspiration... Mettez : extraction bourgeoise.
Parfait. Comment êtes-vous venu à la peinture ?
Par élimination... En sortant de l'Ecole Boulle j'ai intégré l'équipe de lads d'un haras de Basse-Normandie, mais au fond je ne savais pas où j'allais, j'ai ensuite animé pendant une saison une revue du Casino de Paris, puis dirigé pendant quatre ans une petite fabrique de tabourets, pour finalement embarquer à bord de la Jeanne-d 'Arc comme clairon.
Pourquoi finalement la peinture ?
C'est une bonne question. On se demande en effet ce qui peut bien pousser les gens à exercer l'activité de peintre. Pourquoi y a-t-il tant de peintres ? Pourquoi vouloir absolument étaler de la pâte de couleur sur une toile tendue ? C'est grotesque.
Vous avez d'ailleurs publié un ouvrage consacré à la pâte de couleur, notamment au ridicule de l'ocre rouge...
Ah non, ce n'est pas moi, non... mais je suis bien d'accord avec ça, l'ocre rouge est complètement ridicule. Non, j'ai en revanche travaillé sur une grosse étude traitant de la notion de "singe congelé".
Il n'y a pas beaucoup de singe congelé dans votre peinture.
A une époque, j'avais pensé proposer à l'Opéra de Paris, pour remplacer le plafond de Chagall, le projet d'une gigantesque "Nature morte au singe congelé". Mais vous savez comment ça se passe dans ces grandes institutions, c'est copinage et compagnie...
On note également l'absence totale de vélomoteur dans votre peinture, vos personnages ne sont jamais motorisés, c'est un parti pris ?
Non, et je ne l'avais pas remarqué, voyez-vous, c'est involontaire. Mais les peintres ont besoin du regard des autres, de leur recul. Et il m'est arrivé de tenir compte de ce que j'entendais ici ou là. A mes débuts, on m'a un jour fait remarquer que je ne peignais que des manteaux. Pour l'exposition suivante j'ai fait attention.
Tout à fait autre chose : on dit que le mot "approximatif" est votre préféré.
Ah bon ?... "Approximatif" ?
Oui, "approximatif", c'est ce qu'on m'a dit.
Mon préféré... oui, c'est un mot que j'aime bien, mais "mobylette" n'est pas mal non plus, et "manteau" surtout, lui a été mon préféré pendant longtemps dans les années 70 et 80. Bon, c'est vrai que "approximatif" associé à d'autres crée des combinaisons intéressantes, variées, par exemple avec "ingénieur", avec "philosophie", avec "poussière", etc… mais c'est un mot qui a besoin des autres. "Manteau" est drôle en soi. Il désigne un objet dont on se fout éperdument, sa qualité de manteau ne lui vaut rien... Vous vous intéressez à l'idée de manteau, vous ?
Non.
Vous voyez.
Donc..."approximatif" au fond n'est pas votre préféré.
Un retraité approximatif, c'est drôle... Et un peintre approximatif ? Non, la combinaison fonctionne moins bien. Par contre avec "vibraphoniste" on voit tout de suite l'image du type calamiteux debout derrière son instrument : c'est visuel, quoiqu'en l'occurrence il ne s'agisse pas d'un critère de qualité. Plus c'est abstrait, mieux c'est. Poussière approximative, c'est bien.