Une histoire qui rebondit de scènes en scènes comme des souvenirs qu’on égrène, dans l’ordre d’un désordre amoureux que les aléas de la vie chahute et qu’un récit astucieux nous invite à découvrir à la façon d’un puzzle qu’on défait et qu’on restitue sans cesse. Une histoire qui compte 1494 jours.
Un spectacle qui titille en permanence l’imagination du public, le piégeant dans les tournures de la narration, les retours en arrière et les sauts en avant, sans logique apparente. Juste ce qu’il faut pour que la soif de savoir et le désir projeté se bousculent ou se rejoignent, et ce jusqu’au bout où il faudra bien in extremis poser un point final. Un point d’exclamation ou un point d’interrogation ?
« Un voyage en train, une soirée arrosée et l’histoire démarre. Complicités, jalousies, doutes, tendresse. Puis tout bascule... Le récit virevoltant d’un amour mis à rude épreuve par un destin cruel. On entre dans l’intimité du couple qui se construit au fil des jours et doit composer avec des parents parfois encombrants. Une chronologie atypique, dynamique et un ascenseur émotionnel jusqu’à la chute vertigineuse. »
L’écriture de Pierre-Henri Gayte est fluide et habile, piquée d’humour dans des répliques souvent astucieuses et bien tournées. La narration joue avec les nœuds du doute et de l’espoir, les rouages de l’amour empêché, les ravages de l’affect et de la possession, l’influence des liens filiaux. Le tout décrit dans un réalisme du quotidien faisant le lit à des jeux naturalistes cherchant la proximité avec le public, dont les artistes au plateau s’emparent avec réussite.
La dramaturgie est complexe tout en restant accessible. L’usage du temps qui passe souvent entremêlé au temps passé offre un suspens au dévoilement, brouillant les pistes ou les suggérant. La vidéo en fond de scène qui compte et recompte les jours scande le récit, l’armant de rebondissements soumettant l’attention à la patience de leur découverte.
L’interprétation recèle toute une richesse de nuances. Marion Philippet et Pierre-Henri Gayte forment un couple crédible et attachant, difficile de ne pas s’identifier au travers de leurs personnages qu’elle et il incarnent avec une simplicité et une efficacité évidentes. Mention spéciale à Marion Philippet qui détonne par la précision, la finesse et la puissance de son jeu. Michel Charpentier et Nancy Jankowiak se partagent plusieurs personnages. Il et elle passent de l’un à l’autre sans à-coup et avec conviction. Mention spéciale à Michel Charpentier qui fait ressortir de ses personnages la bonhommie, la jovialité, l’autorité ou le doute et contribue à colorer les scènes.
Un récit curieusement fait qui rend curieux tout le long. Un spectacle qui feuilletonne des morceaux de vie troublés et troublants, souriants et émouvants. Une mise en vie attractive et une interprétation réussie. Je recommande ce spectacle original et bien fait.
Spectacle vu le 19 mars 2023
Frédéric Perez
Une pièce de Pierre-Henri Gayte. Mise en scène collective.
Avec Michel Charpentier, Pierre-Henri Gayte, Nancy Jankowiak et Marion Philippet.
Dimanches 26 mars et 2 avril à 18h00
84 allée Darius Milhaud, Paris 19ème
01.42.01.92.26 www.theatredariusmilhaud.fr