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Entre comédie musicale, revue de music-hall, cabaret et opéra parlé-chanté façon opérette en trois actes, cette version de l’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht répond à la volonté du dramaturge qui disait à Strehler :

« Il faudrait sans doute chanter aussi bien que possible les chansons romantiques, mais en soulignant au maximum l’artifice et le mensonge de cette tentative de création d'une île romantique où tout serait encore harmonieux ».

Thomas Ostermeier en effet propose ici une adaptation dans cet esprit de dérision sous-tendue et récurrente qui confère au spectacle une qualité subversive manifeste avec des scènes et des propos dénonciateurs d’une utopie vaine d'un monde meilleur. Les finales de chaque acte acclament avec un magnifique rendu la nécessité de ne pas être dupes et de cultiver la prise de conscience nécessaire pour réagir. La chanson qui termine le spectacle vient particulièrement signer cet appel comme un ultime cri d’espoir.

« Au cœur des bas-fonds londoniens, où les personnages appartiennent tous, peu ou prou, au monde du crime, le bandit Macheath s’échine à dissimuler ses conquêtes amoureuses aux nombreuses femmes qu’il courtise. Dans cette parodie d’opéra où les chansons sont le moteur de l’action, les personnages singent le mode de vie bourgeois du public pour mieux dénoncer la période de confusion morale qu’il traverse, et qui n’est pas sans rappeler la nôtre. »

Le propos moral de la pièce, aux résonnances contemporaines politiques, n’empêche aucunement au spectacle son caractère essentiellement divertissant.

Ostermeier construit une mise en scène dans une forme au service premier du texte et de la partition, centrant notre attention sur le jeu des comédiens. L’esthétique technique et la scénographie adroitement élaborée permettent une épure d’effets et viennent renforcer la dimension frontale du face à face avec le public souvent interpellé.

Les jeux s’enchainent aux chants et semblent systématiquement se railler du texte tout en préservant la dimension musicale qui le colore de sensations. Le burlesque et le clownesque se côtoient souvent jusqu’à pousser le grotesque des saillies efficaces et des mimiques hilarantes vers un vaillant foutoir et une splendide exposition.

L’interprétation est brillante, la troupe est à son affaire. La justesse, la sincérité, l’engagement total et entier demeurent son atout. Un immense talent qui nous éblouit à nouveau. L’orchestre et le chœur viennent s’ajouter à la réussite et contribuent à la beauté de ce spectacle musical de haute qualité.

Une impressionnante version de cette pièce mythique de Brecht, savamment élaborée et magnifiquement interprétée. Un grand spectacle à savourer.

Spectacle vu le 29 septembre 2023

Frédéric Perez

 

Texte de Bertolt Brecht et musique de Kurt Weill, avec la collaboration de Élisabeth Hauptmann. Traduction de Alexandre Pateau. Adaptation et mise en scène de Thomas Ostermeier. Direction musicale de Maxime Pascal. Dramaturgie et collaboration artistique de Elisa Leroy. Scénographie de Magda Willi. Costumes de Florence von Gerkan. Lumières de Urs Schönebaum. Vidéo de Sébastien Dupouey. Son de Florent Derex. Chorégraphie de Johanna Lemke. Chef de chant : Vincent Leterme.

Avec la troupe de la Comédie-Française : Véronique Vella, Elsa Lepoivre, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Stéphane Varupenne, Benjamin Lavernhe, Birane Ba, Claïna Clavaron, Nicolas Chupin Marie Oppert, Sefa Yeboah et Jordan Rezgui.

Et l’orchestre Le Balcon.

 

 

Jusqu’au 5 novembre

Voir dates sur le site www.comedie-francaise.fr

Place Colette, Paris 1er

01 44 58 15 15

 

Photos © Jean-Louis Fernandez,  collection Comédie-Française
Photos © Jean-Louis Fernandez,  collection Comédie-Française
Photos © Jean-Louis Fernandez,  collection Comédie-Française
Photos © Jean-Louis Fernandez,  collection Comédie-Française

Photos © Jean-Louis Fernandez, collection Comédie-Française

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