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Une pièce teintée de l’aigreur récurrente d'un discours d'incertitude passé sous le joug de l’autodérision. Le fil narratif souvent drolatique décrit des situations détonantes. On sourit souvent et on rit jaune aussi, pris dans cette gêne ambiante des personnages qui ne semblent pas pouvoir aboutir tout à fait à leurs fins.

« Jacob est dans une maison de repos. Un établissement, on ne sait pas où, mais au milieu d’une nature ordonnée et impavide. Il s’y est fait un ami, Philippe. De même que Jacob se vit en Céline Dion ou voudrait être la chanteuse, Philippe est un homme blanc qui s’identifie comme noir ou voudrait être noir. »

Une pièce qui vient déranger la quête de rationalité et de compréhension d’un univers où la normalité est explosée, nous laissant cois devant tous ces morceaux de possibles éparpillés. Un labyrinthe de multiples dans lequel aucune émotion cathartique complice ne vient pour se substituer au doute qui perdure.

Car enfin, Lionel et Pascaline vont-ils oui ou non terminer leur voyage éprouvant, composé de visites répétées à l’établissement de soins ? Réussiront-t-ils oui ou non à ramener à la maison leur fils Jabob devenu Céline Dion ? Le saurons-nous au bout ?

Le texte de Yasmina Reza est découpé de scènes courtes, fomentant l’impression d’un album d’images dont on tourne les pages l’une après l’autre pour découvrir à chaque fois un pan nouveau de l’histoire. Le ton est naturaliste, les situations fleurent l’onirisme des irréels racontés. Cette écriture nous oblige à admettre l’improbable pour maintenir notre attention et nous laisser prendre et surprendre par ces folies douces de cœurs meurtris. L’ambiguïté sert la tolérance. Le sentiment d’amitié et l’affection de la parentalité s’opposent aux désirs d’identités choisies, quitte à lutter contre la déraison érigée en ordre établi que le personnage de la psychiatre figure avec une évidence déconcertante.

La mise en scène de l’autrice se fait éloquente, installant les scènes dans de grands espaces vides faisant ainsi ressentir la substance des personnages par leurs propos et leurs actions, et jetant un éclat précis et lumineux dont la distribution s’empare et fait spectacle. La scénographie, la vidéo et la musique composent un tableau qui convient parfaitement à cette opposition entre l’intime et le dévoilement, entre le retranchement secret et l’exposition explosive.

Un tableau que les comédiens Micha Lescot, André MarconAlexandre SteigerJosiane Stoléru et Christèle Tual viennent occuper et incarner de leur présence véritablement impressionnante de sincérité, donnant à leurs jeux une crédibilité troublante. Une interprétation brillante remarquable.

C'est un déroutant voyage que nous propose cette nouvelle pièce de Yasmina Reza, aux frontières du doute et de la norme. Un spectacle plaisant, magnifiquement interprété. Je conseille cette aventure.

 

Spectacle vu le 4 octobre 2023

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène de Yasmina Reza assistée pour la mise en scène par Oriane Fischer. Musique de Joachim Latarjet en collaboration avec Tom Menigault. Scénographie et lumières Éric Soyer assisté de Marie Hervé. Création vidéo de Renaud Rubiano. Costumes Marie La Rocca assistée de Isabelle Flosi. Maquillages et coiffures de Cécile Kretschmar. Coaching vocal de Virginie Côte.

Avec Micha Lescot, André MarconAlexandre SteigerJosiane StoléruChristèle Tual et le musicien Joachim Latarjet.

 

 

Jusqu’au 15 octobre

du mercredi au samedi à  20h30 et le dimanche à 16h30

relâche le 8 octobre

15 rue malte-Brun, Paris 20ème

01 44 62 52 52 www.colline.fr

 

Photos © DR
Photos © DR
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