Un très joli moment de théâtre que cette rencontre riche et sensible, à la tendresse un rien romantique entre Frank, un professeur d’université entre deux âges et Rita, une jeune coiffeuse qui veut « apprendre » pour changer et « savoir » pour mieux être et devenir. C’est une intéressante illustration des aléas de la transmission, de la relation entre le « sachant « et le « démuni », et au-delà, de la place de l’art et de la littérature dans l’émancipation de soi.
D’une attitude sceptique et revêche au début, Frank finira par se prendre au jeu mais ce ne sera pas de tout repos ni pour lui ni pour Rita. Ils en verront de toutes les couleurs et bien malin qui dira à l’avance comment cela se termine. Les deux personnages cheminent sur le fil sensible d’une progression singulière qui conduit inexorablement à une métamorphose crédible et captivante de « l’élève » et ce, dans une relation tout en complicité, à l’émotion palpable. Rita est fascinante. Elle devra livrer bataille contre les siens et contre les prescriptions sociales de son milieu d’appartenance pour établir la reconnaissance de ses choix et tenter de vivre libre, enfin.
La mise en scène de Owen Doyle qui joue également Frank, donne au texte un rythme soutenu qui permet de voir avec fulgurance des éclats de lumières dans les situations et des éclairs de tonnerre dans les propos échangés, tout en préservant par moments une douceur ténue et retranchée. La direction de jeu fait jongler la gravité avec la légèreté et donne au récit une fluidité évidente.
L’interprétation est remarquablement complémentaire. Owen Doyle se fait aussi bourru et caustique que drôle et attachant, et Maxime-Lior Windisch, impressionnante, campe une formidable Rita, maitrisant avec finesse et vigueur ce personnage en pleine évolution. Nous observons ses changements avec curiosité et intérêt.
Notons aussi le décor et les costumes signés Anaïs Alric, les lumières de Antoine Mucciante et la musique de Tom McEvoy, qui contribuent à composer élégamment une ambiance réaliste et agréablement chaleureuse, « so british ».
Un spectacle plein d’humour et de sensibilité, aux superbes messages sur l’aspiration au bonheur et l’accès à la culture pour tous. Le public ne s’y est pas trompé hier soir, jeunes et moins jeunes ont réservé aux saluts des ovations bien méritées. Un spectacle agréable que je recommande vivement.
Spectacle vu le 8 mars 2024
Frédéric Perez
De Willy Russell. Traduction de Catherine Marcangeli. Mise en scène Owen Doyle, assisté par Katie Haigh Mayet. Scénographie et costumes de Anaïs Alric. Création lumières de Antoine Mucciante. Son et musique de Tom McEvo.
Avec Owen Doyle et Maxime-Lior Windisch.
Du jeudi au dimanche (voir les horaires sur le site du théâtre)
53 rue des Saules, Paris 18ème
01 42 23 88 83 www.funambule-montmartre.com