Lettre à ma cousine Henriette à propos de L’ÉDUCATION DE RITA au Funambule Montmartre

Ma chère cousine, chère Henriette,

Ne sois pas surprise de lire cette lettre non manuscrite mais je vais être plus long que d’habitude. J’ai préféré ressortir la machine à écrire que tu m’as offerte pour mon anniversaire car je ne trouve plus mon Montblanc et avec un Bic, je n’aime pas.

J’ai assisté hier soir à la représentation de L’ÉDUCATION DE RITA au Funambule Montmartre. J’ai beaucoup aimé ce spectacle. C’est un très joli moment dont je veux te parler et que tu devrais aller voir. Enfin, sans vouloir te commander.

C’est l’histoire d’une rencontre riche et sensible, à la tendresse un rien romantique, entre Frank, un professeur d’université entre deux âges et Rita, une jeune coiffeuse qui veut « apprendre » pour changer et « savoir » pour mieux être et devenir.

D’une attitude sceptique et revêche au début, Frank finira par se prendre au jeu mais ce ne sera pas de tout repos ni pour lui ni pour Rita. Ils en verront de toutes les couleurs et bien malin qui dira à l’avance comment cela se termine. Non Henriette, arrête, ce n’est pas la peine de me téléphoner, je ne te dirai pas la fin. Comme tu l’as dit toi-même à Noël et cela nous a tous bien fait rire, il ne faut pas divulgâcher.

Mais revenons au spectacle. C’est une intéressante illustration des aléas de la transmission, de la relation entre le « sachant « et le « démuni », et au-delà, de la place de l’art et de la littérature dans l’émancipation de soi.

Les deux personnages cheminent sur le fil sensible d’une progression singulière qui conduit inexorablement à une métamorphose crédible et captivante de « l’élève » et ce, dans une relation tout en complicité, à l’émotion palpable. Rita est fascinante. Elle devra livrer bataille contre les siens et contre les prescriptions sociales de son milieu d’appartenance pour établir la reconnaissance de ses choix et tenter de vivre libre, enfin. Cette femme explosive qui ne s’en laisse pas conter te plaira assurément.

La mise en scène de Owen Doyle qui joue également Frank, donne au texte un rythme soutenu qui permet de voir avec fulgurance des éclats de lumières dans les situations et des éclairs de tonnerre dans les propos échangés, tout en préservant par moments une douceur ténue et retranchée. La direction de jeu fait jongler la gravité avec la légèreté et donne au récit une fluidité évidente. Tu aimeras follement cette relation qui se tisse entre Frank et Rita.

Oh, tu aimeras aussi le décor et les costumes signés Anaïs Alric, les lumières de Antoine Mucciante et la musique de Tom McEvoy. Tout cela contribue à composer élégamment une ambiance réaliste et agréablement chaleureuse, « so british ».

Ah, il faut que je te parle du jeu des comédiens. L’interprétation est remarquablement complémentaire et ça, cela te plaira aussi. Owen Doyle se fait aussi bourru et caustique que drôle et attachant, et Maxime-Lior Windisch, Wouahou ! si je peux me permettre, elle campe une formidable Rita, maitrisant avec finesse et vigueur ce personnage en pleine évolution. Nous observons ses changements avec curiosité et intérêt.

Voilà ce dont je voulais te parler. Je te conseille d’aller voir ce spectacle plein d’humour et de sensibilité, aux superbes messages sur l’aspiration au bonheur et l’accès à la culture pour tous.

Le public ne s’y est pas trompé hier soir, jeunes et moins jeunes ont réservé aux saluts des ovations bien méritées. Tu aimeras ce spectacle, je n’en doute pas. Cochon qui s’en dédit ! comme le dit souvent Édouard, ce qui fait à chaque fois éclater de rire Marie-Gabrielle. Oh la la, ce week-end à Étretat, quand j'y pense. Mais bon, je vais m'arrêter là.

Je te souhaite une bonne santé, ma chère cousine, chère Henriette, et je te dis à bientôt.

Bises au chien Pitou et caresses au poisson rouge.

Ton sincère cousin,

Frédéric

P.S. Je glisse dans l’enveloppe des photos de Anthony Voisin pour que tu te fasses une idée. Non, je ne connais pas ce photographe, ce n’est pas à lui que je demanderai de venir pour la cousinade d'Étretat cet été. T’inquiète Henriette, je m’en occupe.

P.S.2. Surtout chère cousine, n’hésite pas à en parler autour de toi, ce spectacle est très bon, je le recommande vivement.