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Un spectacle riche en émotions qui vient nous toucher loin profond, autant qu'on s'y laisse prendre, là où se logent nos réminiscences heureuses ou malheureuses de passés lointains ou proches. Là où l'intimité de nos pensées sourdes résonne parmi nos souvenirs et parmi nos peines, pour ne jamais les laisser sombrer dans l'oubli.

« Place de la République, les gens vont et viennent, passent ou s’arrêtent. Elle et Lui ne se connaissent pas. Pourtant la conversation s’engage, comme si ces deux-là s’étaient donné rendez-vous sans le savoir. On parle de choses et d’autres, comme si de rien n’était. Mais derrière une apparente banalité, chacun se raconte, chacun se livre. »

Lui, aime prendre des photos des gens qui passent, avec son Polaroid. Elle, attend sans raison apparente sur un banc, place de la République, peut-être des gens qui pourraient passer. La photo de l'un provoque la rencontre de l'autre. De propos en propos, de ressentiments en ressentiments, ces êtres sur un banc s’écoutent et prennent le temps de libérer leurs peines. Deux douleurs traversantes qui se croisent pour n'en faire qu'une, le temps d’un temps. Leurs évocations déposent des souvenirs pour mieux les regarder encore, les ressentir encore et peut-être les comprendre un peu plus.

Cette pièce nous parle de la perte d'êtres chers, morts ou disparus, d'en faire le deuil comme on dit. Un deuil nécessaire, chahuté de souffrances et de chagrins mais porté souvent par des vagues revenues de plaisirs partagés. Le sentiment d'abandon et le sentiment de culpabilité rodent tout près et se conjuguent pour interroger la dette qui survient et qu'il faut supporter de ces failles creusées dans nos vies.

« On ne fait jamais son deuil. On fait avec. On vit avec. L’absence, le manque, le chagrin, les souvenirs... »

L'écriture de Clément Hervieu-Léger semble dédiée à la simplicité du dévoilement. L’onirisme de la fiction vient dans une parenthèse se mêler à la narration et nous transporter dans l’illusion. La mise en scène de l’auteur se fait limpide et simple. Du théâtre contemporain comme on aime, sans combines ni artifices. Juste le texte, les personnages et l’émotion.

Juliette Léger, précise, délicate et sensible que nous découvrons avec bonheur ici, et Daniel San Pedro que nous retrouvons avec un grand plaisir, au jeu intense, fluide et envoutant, incarnent Elle et Lui avec une sincérité éclaboussante et un naturalisme d’énonciation qui nous plongent par moments dans un réalisme poétique savoureux.

Une pièce prégnante, une mise en vie superbe, une interprétation de haute qualité. Je recommande.

 

Spectacle vu le 17 mai 2024

Frédéric Perez

 

Texte et mise en scène de Clément Hervieu-Léger. Lumières de Alban Sauvé. Costumes de Caroline De Vivaise.

Avec Juliette Léger et Daniel San Pedro.

 

Photos © Ville de Bernay
Photos © Ville de Bernay

Photos © Ville de Bernay

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