Un spectacle qui nous propose une version singulière sur la surdité de ce grand compositeur aux qualités humaines reconnues. Surdité qui fut l'une de ses plus grandes souffrances, venue s'ajouter à celle d'un amour brisé et à celle tout aussi marquante de la difficulté et de l'insatisfaction rencontrées dans la composition de son unique opéra Fidelio.
« Il faudra dix ans de travail acharné à Beethoven pour parfaire la dernière version de Fidelio. C’est cette période mouvementée de la vie du génie que nous découvrons. Son amour de la vie, son indéfectible sens de l’amitié, sa quête fiévreuse d’absolu et son combat quotidien contre ses nombreux démons. L’un d’entre eux en particulier, qui, sous des traits aussi familiers qu’inattendus, lui fera une proposition vertigineuse… Renoncera-t-il à lui-même pour connaître la gloire ? »
L'exposé de la narration, nourri de la légende mythique de Beethoven, sublime l'idéal romantique qui lui est attaché : La souffrance nécessaire à la création. Une légende qui est devenue désormais un fantasme collectif artistique et social. C'est de tout cela dont s'inspire le spectacle.
Traversée par les brumes de l'illusion et ponctuée par des indications documentaires, l'écriture de Gérard Savoisien se fait réaliste et onirique, flottant entre le rationnel et l'irrationnel. Beethoven y est dépeint de traits passionnés aux couleurs sombres des stigmates de ses nombreux tourments.
La pièce est portée par deux brillants comédiens, d'une complémentarité stupéfiante de finesse. Jean-Paul Farré est Beethoven. Nous le retrouvons ici avec un grand plaisir. Fidèle à lui-même, il impressionne fortement en jouant toute une gamme de nuances pour nous montrer un Beethoven lumineux et complexe dans sa fragilité, sa fougue et sa fureur. Jean-Jacques Moreau campe deux personnages. Wegeler, un compagnon de route sensible et touchant, et un deuxième partenaire énigmatique à la froideur paradoxalement attachante qui emprunte à la féerie mythologique une fourberie piquante et déroutante.
La mise en scène et la scénographie de Stéphane Cottin centrent l'attention sur les jeux individuels, les duos et les duels avec une simplicité d'effets qui permet des interprétations remarquables de justesse et de puissance.
Un moment de théâtre original et étonnant, tout en profondeur, admirablement mis en vie.
Spectacle vu le 2 juillet 2024
Frédéric Perez
Texte de Gérard Savoisien. Mise en scène et scénographie de Stéphane Cottin. Lumière de Moïse Hill. Costumes de Chouchane Abello Tcherpachian. Création Sonore de Cyril Giroux.
Avec Jean-Paul Farré et Jean-Jacques Moreau.