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Bonne nouvelle ! Le spectacle s'installe les lundis et mardis au Studio Hébertot

jusqu'au 8 octobre.

Un spectacle qui cultive habilement les sensations énigmatiques d’une pièce-puzzle redoutablement bien écrite. Un récit qui jongle avec le passé conditionnel et le présent possible, inquiétant et familier à la fois, où les chimères se multiplient, où se confondent les hypothèses, les ruptures de conscience et les douleurs de l’oubli.

« Juliana, brillante scientifique, a conçu le médicament le plus approprié contre la perte de mémoire provoquée par la démence. Alors qu’elle commence une conférence sur sa découverte devant un parterre de médecins, sa phrase reste en suspens, c’est le trou, la panique et elle est contrainte d’interrompre la conférence. Pourquoi et comment en est-elle arrivée là ? Son problème est-il neurologique ? Que s’est-il passé plusieurs années auparavant entre Juliana et sa fille Laura ? Quelle histoire particulière la lie au Dr Richard Sillner, son assistant ? »

Nous sommes pris et surpris dans un labyrinthe prégnant qui nous ballotte entre le dit et le non-dit, entre le su et le vu, entre le supposé et le donné. Un labyrinthe qui conduit nos pas vers les circonvolutions d'une mémoire défaillante et ses bribes refoulées ou jaillissantes, aux frontières de la confusion du réel avec l'irréel, là où se touchent l'incertitude et la folie. Là où les troubles de la perception font exploser les désirs parmi les illusions.

L'écriture singulière de Sharr White construit une dramaturgie qui maintient l'argument dans une sorte de floutage permanent des aspérités et des fluides de son déroulement. Un déroulement suspendu en permanence aux aléas des meurtrissures du souvenir et de la violence de l’oubli.

L'approche psychologique de l'histoire et le procédé récurent des allers-retours entre le passé et le présent qui l’égrènent, laissent l'imaginaire du spectateur remplir les zones d'ombre sans s’y enferrer, pour tenter de suivre un possible fil d'Ariane. L'humour traverse la narration sans la polluer de détours, comme pour renforcer la dimension profondément humaine de la pièce qui tout le long nous maintient en alerte, cultivant une attirance proche agréable.

La mise en scène de Christophe Hatey et Florence Marschal combine avec autant de légèreté que de profondeur, à la fois l’humour et la force émotionnelle des expressions, et l’éclat des révélations et de leurs impacts. Dans une scénographie d’une sobriété quasi clinique, un canapé, une chaise, une table basse et un cendrier, le texte prévaut et les personnages s’inscrivent avec forces et nuances.

La distribution nous capte dès le début et ne nous lâche, dans une complémentarité exemplaire. Entre le personnage ravagé et ravageur de Juliana et les autres, aidants et souvent meurtris, tous les comédiens sont crédibles et convaincants dans leur engagement. L’intensité des jeux remplit les situations, centrant l’attention sur l’écoute du texte et le regard sur les postures des personnages et leurs émotions. Autour de Florence Marshal, magnifique dans la complexité de Juliana, Samantha Sanson campe plusieurs personnages avec une justesse impressionnante, Tristan Godat joue le mari-repère avec une sincérité touchante et Christophe Hatey, efficace et discret, les deux autres personnages.

Une formidable pièce tout en suspens et une mise en vie remarquable réussissent à surprendre et captiver l’attention. Un moment de théâtre intense et bien joué. Je recommande.

Spectacle vu le 29 mars 2024

Frédéric Perez

De Sharr White. Traduction française de Gérald Sibleyras. Mise en scène Christophe Hatey et Florence Marschal. Vidéo de Clara Ott. Lumière de Marc Augustin-Viguier.

Avec Tristan Godat, Christophe Hatey, Florence Marschal et Samantha Sanson.

 

https://studiohebertot.com/spectacles/la-maison-da-cote/ 

 

Photo © Clara Ott

Photo © Clara Ott

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