Le public est hilare tout le long, je ne m’y attendais pas. C’est une avalanche de rires. Incroyablement drôle et élégant à la fois, ce spectacle attachant est un formidable hommage et un superbe témoignage sur Pauline Carton, la célèbre comédienne de petits rôles qu’elle rendait magnifiques au théâtre comme au cinéma, le siècle dernier. Mais c’est aussi et avant tout une performance stupéfiante de Christine Murillo.
« Bien sûr, il s’agit ici de la mythique actrice Pauline Carton. Quand on sait que c’est la comédienne quadri moliérisée Christine Murillo qui dit, lit et vit les textes de Carton, ses échanges avec Sacha Guitry mais aussi ceux avec son unique amant, qui plus est poète… Quand on sait que Christine chante a cappella des chansons de Carton… Quand on sait qu’il n’y a qu’une table et une boîte en carton dessus… Quand on sait qu’on parlera de sexe, d’argent, mais aussi de passion pour les moineaux nourris aux croissants, on voit poindre le nez, que dis-je le nez, le cap, la péninsule, de la fantaisie essentielle. »
Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjam signent une adaptation farce et cocasse mais savamment renseignée, composée des écrits de mademoiselle Carton tirés de sa correspondance, des mémoires extraites d’un de ses deux livres « Théâtres de Carton » et de chansons qu’elle interpréta de sa voix de perroquet (disait-elle).
Délicieux plaisir de savourer la plume acerbe et ciselée de la saltimbanque qui fut également une intellectuelle reconnue qui au fil de son compagnonnage amical avec Sacha Guitry, devint sa conseillère à de nombreuses reprises et sa documentariste pour la préparation de ses films historiques. Ce florilège de textes devenus patrimonial (un fonds Carton se trouve à la BNF) nous documente sur le travail de l’actrice et de son époque, et vogue sur les souvenirs mémoriels d’un temps artistique que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre certes mais auraient plaisir à découvrir tant sa découverte est enrobée d’auto-dérision à l’humour caustique dans des jeux tâtant autant du burlesque que de la poésie.
La mise en scène de Charles Tordjman s’inscrit dans une épure d’effets. Une table de camping, une chaise pliante, une canne-siège et un petit carton qui regorge d’accessoires. Place est faite au texte et à son interprétation grandiose subtilement éclairée par Christian Pinaud. Une tempête de mitrailles de traits gourmands et généreux, et de paroles aussi instructives que divertissantes.
Christine Murillo est magique. Elle transforme ce monologue en un temps de théâtre aux couleurs variées, aux impressions multiples et en une rencontre avec le public d’une complicité inouïe. Nous connaissions sa palette de jeux aussi divers que subtils et son engagement total dans l’incarnation de ses personnages mais là, dans ce seule-en-scène, elle est tout simplement détonante et remarquable.
Un spectacle finement fuselé, espiègle et roublard, à savourer pour le plaisir d’entendre les paroles de Pauline Carton, cette artiste populaire à la gouaille devenue légendaire, sublimées ici par la magistrale Christine Murillo toute à son talent impressionnant, sa vis comica délicate et fulgurante. Je préviens, du grand art d’interprétation est au rendez-vous. C'est un délice drôlissime et impressionnant. Incontournable spectacle !
Spectacle vu le 22 octobre 2023 et le 23 septembre 2024
Frédéric Perez
Adaptation de Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman. Mise en scène de Charles Tordjman. Lumières de Christian Pinaud.
Avec Christine Murillo.
https://lascala-paris.fr/programmation/pauline-carton/