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Attention ! Ce spectacle est un petit bijou d'interprétation et d’émotion.
Le romancier Marc Villemain signe ici sa première pièce. Coup de maitre habile et suggestif. Une dramaturgie progressive et veloutée qui parsème la narration de tensions et de pauses, d’affects et d’affection.
« Après des années d’absence et de silence, un homme renoue avec son père, ancien musicien de jazz, dans sa maison de bord de mer. Des retrouvailles qui ne tarderont pas à prendre l’allure d’un thriller à flanc de falaise, au cours duquel secrets et mensonges du passé finiront par laisser éclater la vérité… »
Fort de ce récit qui captive et résonne parmi nos pensées et nos souvenirs, charriant des sensations multiples piochées dans l’enfance ou la parentalité, nous assistons à des retrouvailles étonnantes qui basculent. Retrouvailles entre un père et son fils. Retrouvailles attendues autant que repoussées. Retrouvailles implacables qui mordent un passé enfoui comme pour l'empêcher de surgir et d'éclabousser l’union intangible d’un amour paternel et d'un amour filial.
Bien sûr, il y a cette intrigue. Une intrigue qui chemine tout le long parmi les personnages, nous faisant passer du doute à la suggestion, de la révélation à la réaction. Un cheminement détonant qui nous ballotte en permanence, détourant la vérité et insistant sur sa quête ou sa cache, à la manière d’un thème musical qui revient sans cesse, que des variations illustrent et augmentent. Un Ostinato à fleur de peau et de mots. Cette impression soutenue est renforcée par un univers musical prégnant, riche et colorée qui sait envelopper les propos et les situations jusqu’à les envouter. La joute devient délicieuse quand bien même elle nous perturbe.
Qu'adviendra-t-il de ce jeu de cache-tampon entre ces deux hommes qu’un lien si puissant relie ?
Car ils s’aiment ces deux-là, à n’en pas en douter. Malgré ce secret qui rode derrière la souffrance sublimée en brutalité du père toujours sur le qui-vive et devant la hargne d’entendre ce qu’il a deviné d'un fils qui redoute ce qu’il sait. Et puis il y a Madeleine, merveilleuse âme aimante qui fait le pont entre les deux, dispensant sa douceur et sa tendresse, cultivant l’espoir d’une résilience.
La mise en scène de Dimitri Rataud installe une atmosphère intime propice à l’écoute et à la confidence, et entoure les personnages de leurs halos de retenues ou d’éclats, d’introversion et de compulsion dans un adroit équilibre de mouvements et d’arrêts, de silences et d’agitations.
Nous l’avons dit, l’interprétation est remarquable. Des artistes de haut vol pour ces trois personnages complexes et attirants. Dire l’essentielle pureté du sentiment dans le silence des regards ou l’explosion des mots, dans la présence et dans les vibrations qui se répandent, les non-dits qui transportent les messages alors autant sinon plus que des énonciations.
Claude Aufaure est le père. Ce comédien nous subjugue à nouveau. Il sait ici nous montrer un homme meurtri et résigné mais rempli d’espoir, avec une puissance et une fragilité mêlées, d'une précision redoutable qui fait mouche. Ludovic Baude donne au fils la dimension imperturbable d’un homme qui cherche à renouer le lien pour comprendre, cultivant sa quête empêchée et montrant son affection latente qu’il ne demande qu’à partager. Les doutes qui l’animent sont superbement restitués. Hélène Cohen campe Madeleine, personnage important du récit qu’elle magnifie par sa présence tranquille et certaine. Je dois dire que la comédienne m’a particulièrement impressionné.
Un spectacle remarquable pour son récit et sa mise en vie mais surtout pour son interprétation saisissante. Je le redis, ce spectacle est un petit bijou d'interprétation et d’émotion. Je conseille vivement ce rendez-vous au théâtre de La Huchette.
Spectacle vu le 3 octobre 2024
Frédéric Perez
De Marc Villemain. Mise en scène de Dimitri Rataud assisté par Emmanuelle Jauffret. Décor de Esthel Eghnart.
Avec Claude Aufaure, Ludovic Baude et Hélène Cohen.