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Cette pièce de Georg Kaiser écrite en 1925 et créée en 1928, prend les traits d’un drame de l’amour naissant, vibrant comme une ode à la sensualité extrême. Celle de Catherine, une jeune fille de « la bonne société » confrontée à ses premiers émois.

 

Entre le velours du désir et l’âpreté de la réalité, comment dire, comment montrer, comment raconter cette histoire si forte en émotions cachées, colorée d’un expressionnisme troublant ?

 

Le texte de Kaiser s’inscrit dans une toile de fond stricte où la morale bourgeoise ne peut que se récrier et réclamer le repentir et la rédemption d’une faute dont on ne connaitra jamais vraiment les contours véritables. Entre ce qui a été vécu ou rêvé par la jeune Catherine, entre la vindicte calculée ou la raison objective des deux jeunes hommes concernés.

 

La nuit d’un jour en octobre, Catherine fait entrer dans sa chambre un jeune homme qui repartira le lendemain, laissant assouvies les découvertes charnelles de l’abandon du corps aux voluptés amoureuses. De la grossesse qu’il a fallu cachée dans une maison de campagne à son retour chez son oncle monsieur Coste chez qui elle vit, on sait peu de choses.

 

La pièce commence alors que Coste enquête sur la paternité de cet enfant pour réparer la faute par le mariage. Le doute s’installe, la spéculation du garçon-boucher qui se dit le père et la troublante posture de l’officier militaire que Catherine désigne, vont nous faire trébucher sur la vérité, nous rétablir sur les faits et nous perdre dans cette sombre et magnifique histoire aux allures d’un conte fantasmagorique surprenant et captivant.

 

Catherine, as-tu rêvé tant tu espérais cet amour ? Nous diras-tu ce qui s’est passé ? le sais-tu ou te le caches-tu ? Mais quoi, le saurons-nous enfin ?

 

Le parti-pris de la mise en scène d’Agathe Alexis est brillant tant il époustoufle de ses différents possibles les lumières de la réalité, les flux du désir et les apparences du rêve éveillé. Nous sommes ballotés comme dans une barque à la dérive dont le gite rend instable l’équilibre. Nous sommes emportés et transportés dans un temps suspendu, un temps de théâtre, sans savoir à quelle vérité se fier ni même s’il faut se fier à une vérité. Quel plaisir que cette invitation au lâcher-prise où la seule certitude que nous ayons c’est que cette histoire est belle, troublante et bien montrée.

 

La distribution est convaincante et séduisante. La dignité et la droiture de l’oncle Coste est magnifiquement rendue par Hervé Van der Meulen, précis, tonique et sincère. On ne l’aime pas cet oncle mais on le comprend. Catherine est jouée admirablement par Ariane Heuzé, éprise, rêveuse presque éthérée, amoureuse quoi, un très joli jeu.

 

Jaime Azoulay campe un abbé aussi dévot que dévoué avec justesse. Bruno Boulzaguet sert un lieutenant droit dans ses bottes qui se laisse prendre aux délices de l’émotion, un jeu sensible pour un rôle délicat.

 

Benoit D’allongeville est le garçon-boucher, Il casserait la baraque si nous étions à la foire, tonitruant à souhait, d’une sincérité touchante et d’un abattage talentueux.

 

Une pièce surprenante et très bien jouée. Un travail soigné et agréable. Un temps de théâtre riche et mémorable.

 

 

 

Une pièce de Georg Kaiser. Mise en scène de d’Agathe Alexis. Scénographie et costumes de Robin Chemin. Réalisations sonores de Jaime Azulay. Lumière de Stéphane Deschamps. Chorégraphie de Jean-Marc Hoolbecq. Collaboration artistique d’Alain Alexis Barsacq. Assistance à la mise en scène de Sébastien Dalloni.

Avec Jaime Azulay, Bruno Boulzaguet, Benoit d’Allongeville, Ariane Heuzé et Hervé Van der Meulen.

 


Lundis et vendredis à 20h30, mardis, jeudis et samedis à 19h00, dimanches à 17h00

10 place Charles Dullin, Paris 18ème

01.46.06.11.90  www.theatre-latalante.com

 

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