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Un spectacle magnifiquement réussi. Une approche singulière, comme il le sied pour cet auteur, de l’univers de Harold Pinter. La pièce s’empare une nouvelle fois du trouble des relations amoureuses, les ausculte et les triture, en fait un objet de désir et de domination qui n’aura de cesse de nous surprendre jusqu’au bout.

 

« Richard part travailler et laisse Sarah, sa femme, dans la maison de banlieue du couple heureux qu'ils forment. Avant de quitter la maison, le mari demande à sa femme, sur un ton qui peut sembler badin, si elle doit recevoir son amant dans la journée. Ce à quoi Sarah répond par l'affirmative. Pourtant, l'amant se présente bel et bien dans l'après-midi. »

 

Les motivations des personnages s’embrouillent à nos yeux, on ne sait plus assurément qui est qui et qui fait quoi. On se laisse porter aisément par cette incongrue magie pinteresque tant l’ensemble est savoureux. Nous plongeons dans les affres de la sensibilité ainsi décrite, passée au tamis de la dérision surréaliste qui nous intrigue et de l’humour piquant qui la colore.

 

Quels sont donc les enjeux de ce jeu qui se déroule devant nous ? Le saurons-nous enfin ?

 

La mise en scène de Stéphane Olivié Bisson est soignée et spectaculaire. Elle apporte aux mots des illustrations contrevenantes voire contradictoires qui s’inscrivent parfaitement dans la langue singulière de Pinter. Les ruptures de rythme et les éclats soudains comme ces gestes et ces mouvements compulsifs des personnages qui nous surprennent tout à coup, et ce laitier qui entre dans la maison du couple et joue du piano tout le long… C’est superbe, la déroute est bien menée.

 

Le texte est restitué avec l’adresse de décalages bienvenus tout en respectant sa profondeur et son mystère. Le parti pris de Stéphane Olivié Bisson tend vers l’onirisme d’un surréalisme marqué. C’est audacieux et juste à la fois.

 

Les interprètes Manon Kneusé et Clément Vieu sont épatants dans leur trouble digne et leur engagement entier. Elle et il vivent cette joute insaisissable avec élégance et cynisme, nourrissant l’étrangeté de la pièce. Éric Capone les  accompagne de ses musiques au clavier, accentuant par sa présence et ses sons le climat quasi éthéré qui sourd et enveloppe le spectacle.

 

Un spectacle captivant où tout se dérobe et se transforme. Une mise en scène « extra-ordinaire » et une interprétation formidable. Voici un Pinter réussi. Pour les amateurs de cet auteur dont je suis, il conviendra sans doute de ne surtout pas manquer ce spectacle.

 

Spectacle vu le 17 juillet,

Frédéric Perez

 

 

De Harold Pinter. Mise en scène de Stéphane Olivié Bisson. Scénographie de Erwan Creff. Costumes de Fleur Demery. Musique de Éric Capone. Lumières de Frederic Bremond.

 

Avec Éric Capone, Manon Kneusé et Clément Vieu.

 

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