Un spectacle riche en recoins, en rebondissements et en tensions, tout en réalisme coloré et habillé de jeux naturalistes, qui joue autant sur les clairs obscurs que sur les contrejours du récit.
« Nicola gère un restaurant italien au bord de la faillite. On vient cependant de lui confier l’organisation d’un repas de mariage. C’est une occasion inespérée de sauver son activité. À deux jours de la cérémonie rien n’est prêt : il n’y a pas assez de chaises, il manque des assiettes, Nicola n’a pas de quoi payer les nappes et Romeo, le mari de Beatrice, la cuisinière, fait irruption au milieu des préparatifs. La rumeur court qu’il a perdu la raison, on ne sait comment… »
Un huis-clos à l’italienne, comme dans ces comédies dramatiques du cinéma des années 50, qui brille d’éclats de voix et de tentatives de duperies malignes, de dernières minutes décisives et de résurgences de souvenirs mortifères. Un huis-clos où l’on rit bien sûr mais pas seulement, tant la tension se resserre de plus en plus et installe à bas bruit mais surement une forme tragicomique de règne de la confusion. Confusion entre culpabilité et insouciance, innocence et crime, rêve et fantasme, réalité et vérité.
Nicola aime-t-il Béatrice, la compagne de Roméo, au point de tenter de la séduire ?...
Cette aventure entre Roméo et Ginevra, la compagne de Giorgio, est-ce un rêve éveillé, un fantasme ou un aveu ?...
Giorgio va-t-il tuer Roméo pour se venger ? Vengeance d’un rêve ou d’un fait ?...
Roméo est meurtri par un souvenir de l’enfance qui surgit soudain, quelle est cette meurtrissure ?...
La pièce de Ciro Cesarano et Fabio Gorgolini adaptée de Pirandello, décrit avec finesse et circonspection les conflits qui opposent la raison et l’émotion dans le cheminement de la conscience face à la soudaineté d’une réalité factuelle qui surprend. Devant elle, que faire ? L’affronter, l’éviter ou la fuir ?
Le récit ainsi développé nous pose une kyrielle de questions sur l’intentionnalité et la rationalité de l’expérience vécue. C’est savoureux.
Et si tout cela n’était que résultats de pulsions ? Des pulsions qui, imaginées, venues du passé ou réelles, surviennent tout à coup et s’imposent là où on ne les attend pas. Serait-ce parce que si des désirs ou des besoins se bousculent devant nous, réagir serait alors fuir la réalité ? Quand la réalité s'interpose dans notre jugement sur le bien et le juste, sur le désir et le plaisir, qu’en est-il de nos possibilités de choix ?
Un texte très adroitement écrit. À la fois léger dans son abord et profond par ses résonnances. La mise en scène de Fabio Gorgolini assisté de Ciro Cesarano s’établit dans une forme théâtrale empruntant au néoréalisme cinématographique italien son épure crue des situations et des interrelations vives poussées à l’outrance quand il le faut. Les jeux sont dirigés dans ce sens et l’interprétation le rend parfaitement.
La distribution est composée de Ciro Cesarano (attachant Nicola), Fabio Gorgolini (troublant Roméo), Laetitia Poulalion (impétueuse Ginevra), Boris Ravaine (convaincant Giorgio) et Amélie Manet (touchante et sensible Béatrice). Toutes et tous jouent avec un engagement et une sincérité remarquables.
Un spectacle intéressant par la réflexion à laquelle il nous invite et distrayant dans sa forme prenante, souriante mais pas que… Une fuite à ne pas laisser couler sans la voir. Je conseille ce spectacle.
Spectacle vu le 6 novembre 2021
Frédéric Perez
De Ciro Cesarano et Fabio Gorgolini d’après « On ne sait comment » de Luigi Pirandello. Mise en scène de Fabio Gorgolini assisté de Ciro Cesarano. Décor de Claude Pierson. Lumières de Orazio Trotta. Musiques de Claudio Del Vecchio. Costumes de Pauline Zurini.
Avec Ciro Cesarano, Fabio Gorgolini, Laetitia Poulalion, Boris Ravaine et Amélie Manet ou Audrey Saad.
Jusqu’au 19 novembre
Du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 16h00
103A boulevard Auguste Blanqui Paris 13ème
01.45.88.62.22 www.theatre13.com