C’est du grivois de luxe qui nous est offert là, interprété impeccablement avec une qualité musicale de haute tenue. Un spectacle complice et chaleureux pour rendre un hommage élégant et néanmoins ravageur à la paillardise. Sept artistes qui chantent avec brio composent ce groupe polyphonique masculin a capella. Un septuor au talent remarquablement bluffant !
Donné avec une dérision salace sans jamais franchir les frontières de la vulgarité, le répertoire choisi parmi les chansons traditionnelles paillardes ou les chansons populaires plus modernes "revisitées sauce épicée" nous fait sourire et rire des franches images croustillantes qui l'illustrent. Oubliés, inconnus ou célèbres, ces chants viennent chahuter notre imaginaire, nos souvenirs de tabous cachés ou oubliés qui jubilent de se retrouver à jour, sans risque d’interdit.
Si nous rions volontiers des images véhiculées, n’oublions pas l’intérêt identitaire et social de tout cela. L’esprit transgressif et toujours osé des paroles qui se jouent de l’ordre moral et de ses tabous, n’éclot pleinement que collectivement et le public ne s’y trompe pas, toutes générations confondues, il s’est vite accordé aux chanteurs pour le "vivre ensemble", mettant sans rechigner la main à la pâte ou plutôt la voix au chapitre.
Oui, car à moins d’un trouble avéré de la libido, qui ferait chanter d’aucune ou d’aucun avec une jouissance compulsive, il est rare en effet de chanter seul·e ce type de chansons-là, sauf à se rappeler bien sûr d’un moment festif. Il y aurait donc du nécessaire dans les chansons paillardes tant il y a du lien social, comme il y en avait dans les chansons de soldats, de marins et de travail. Autant de calembredaines sous-entendues, de calembours équivoques et de chants lubriques voilés ou dévoilés qui nourrissent à leur tour le folklore populaire.
Nous nous laissons prendre avec délectation dans ce bouillon truculent de culture affranchie. Une culture de jeux de mots allusifs ou expressifs et de graveleux gros mots, qui sert autant la prétention de la masculinité dans la virilité des hommes que la vénération de la sensualité dans la féminité des femmes. Ces messieurs nous le disent en chantant : La paillardise se chante au féminin comme au masculin. Tout est y passe, rien ne lasse. Ce sont frissons de sourires, rires sous cape et éclats de rire partagés.
Calée au cordeau et flamboyante à souhait, la mise en scène de Charlotte Gaccio est précise, discrète et efficace. Une musicalité savoureuse et des effets spectaculaires agréables sont servis par les talents sans faille de Olivier Andrys, Geoffrey Bailleul, Brice Baillon, Louis Lefebvre Legagneur, Joël Legagneur, Pierre Marescaux et Benjamin Riez.
Un spectacle drôle et bienfaisant qui traverse les époques en nous montrant combien le désir et sa satisfaction se bute aujourd’hui comme hier aux aléas sublimés par l'humour de l’attente ou de l’espoir du plaisir assouvi.
Et bonne surprise, un CD vient de sortir ! "Plaisirs partagés" est son titre, bien vu non ?
Incontournable moment de bonne humeur musicale où les tabous sont tabous. Une poétique de la grivoiserie avec ses accents grossiers. Un fichu bon moment que je recommande chaudement.
Spectacle vu le 21 juillet 2022,
Frédéric Perez
Mise en scène de Charlotte Gaccio.
Avec Olivier Andrys, Geoffrey Bailleul, Brice Baillon, Louis Lefebvre Legagneur, Joël Legagneur, Pierre Marescau et Benjamin Riez.
Jusqu’au 30 juillet à 19h50
(relâche le mardi)