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Marion Bierry s’empare de cette pièce-phare de Corneille avec une espièglerie ravissante dans une façon de tornade fantaisiste et rafraichissante. Un vif plaisir de spectacle !
« Alors qu’il vient de terminer ses études, Dorante revient à Paris, bien résolu à profiter des plaisirs de la capitale. En compagnie de son valet, il rencontre deux jeunes coquettes aux Tuileries et s’invente une carrière militaire pour les éblouir. S’ensuit un imbroglio diabolique mêlant : jeunes femmes, père et ami. Faisant fi de l’honneur, des serments d’amitié et d’amour, Dorante s’enferre dans un engrenage de mensonges qui déclenche d’irrésistibles quiproquos. Les jeunes femmes n’étant pas en reste de supercherie, on se demande qui sera le vainqueur de ce jeu de dupes. »
Truffée de quiproquos, cette comédie de situation fait son chemin dans la lignée des comédies de mœurs avant l’heure en inscrivant les caractères des personnages dans les méandres floués des relations sociales. Ce n’est sans doute pas un hasard si Voltaire écrivit que Molière avait été impressionné par ce « Menteur ». Une pièce emblématique du tournant majeur que le théâtre comique a connu dans sa période classique, qui plait par sa dénonciation allègre aux répliques bien tournées.
La confusion entre la vérité et les apparences, les prouesses verbales du héros et la lucidité implacable des commentaires de son valet, font de ce mythomane d’apparat, un conteur de ses propres désirs. Dorante utilise son imagination pour embellir sa vie. Il écoute ce qu’il dit et s’enivre de ses paroles comme s’emballe un cheval fou qui s’enfuit.
Nous rions de lui et des actions qu’il déclenche avec une affection complice, presque bienveillante. Nous proposerait-il de vivre le temps d’un temps de théâtre la représentation de nos propres fantasmes à travestir la réalité ? de ceux qui viennent de l’enfance où mentir est un jeu ?
Le spectacle est d’un agrément merveilleux. La mise en vie habile et efficace de Marion Bierry assistée pour la mise en scène par Denis Lemaître, apporte avec soin une esthétique du texte toute en légèreté et finesse.
L’ajout au début et à la fin de la pièce des extraits de « La Suite du Menteur » renforce le message que Corneille lui-même s’est amusé à souligner sur le panache de la duperie et l’inévitable effondrement qui la guette quand le théâtre s’en mêle. Un régal élégant et signifiant. Quant aux insertions de chansonnettes composées sur des airs modernes, à partir des répliques de situations, elles ouvrent grandes les fenêtres à l’esprit déluré qui baigne l’ensemble.
Le décor stylisé de Nicolas Sire permet l’aisance des jeux, centrant l’attention sur la valeur intrinsèque du texte avant tout effet. Les costumes de Virginie Houdinière assistée de Laura Cheneau donnent du somptueux à l’ouvrage.
La distribution se démène et réussit d’entrée à capter notre attention et notre plaisir. Nous sommes cueillis par cette interprétation fluide et raffinée, complice et délibérément drôle. Alexandre Bierry, Benjamin Boyer, Brice Hillairet, Anne-Sophie Nallino, Serge Noël et Mathilde Riey s’y entendent à merveille pour nous emporter dans ce conte à l’innocence feinte d’une morale bien pesée.
« Si vous voulez de l’amour dans votre vie, mentez ! »
Une pièce intéressante et divertissante. Un spectacle agréable, drôle et soigné. Une très belle proposition de rentrée que je recommande vivement !
Spectacle vu le 2 septembre 2022
Frédéric Perez
De Pierre Corneille. Mise en scène de Marion Bierry assistée par Denis Lemaître. Décor de Nicolas Sire. Costumes de Virginie Houdinière assistée de Laura Cheneau.
Avec Alexandre Bierry, Benjamin Boyer ou Thierry Lavat, Brice Hillairet, Anne-Sophie Nallino, Serge Noël et Mathilde Riey.
Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00
75 boulevard du Montparnasse Paris 6ème
01.45.44.50.21 www.theatredepoche-montparnasse.com