Un spectacle impressionnant. Le parti pris de Ludovic Lagarde, subtile et novateur, audacieux et fascinant, crée tout le long de la célèbre pièce de Harold Pinter des moments surprenants et déstabilisants, installant un climat d'incertitude constant.
« James veut savoir la vérité sur ce qui s’est réellement passé une nuit dans un hôtel de Leeds entre sa femme Stella et Bill, tous deux créateurs de mode. Tandis que Bill vit chez Harry dans une villa de Belgravia, un quartier huppé de Londres, Stella habite avec James, son mari, dans un appartement de Chelsea, le quartier des artistes. Quelle est la vraie nature du lien qui unit Harry et Bill ? Et quel rapport entretiennent-ils avec le pouvoir politique ? Que cherche vraiment James ? La vérité seulement ? Et Stella, que veut-elle ? »
Le doute perdure et se nourrit de lui-même dans cette histoire labyrinthique qui traite, dans le fameux « langage silencieux » de Pinter, des thèmes du pouvoir, du désir et de la séduction, des normes et de l'identité. Le texte délibérément complexe déroule une narration quasi subversive. Les frontières entre la comédie, le drame et le thriller psychologique sont brouillées. L’abstraction, l’onirisme et le réalisme cheminent sans se croiser.
La mise en scène et la direction des jeux comme l’utilisation d’éléments visuels et sonores créent l’atmosphère énigmatique chère à Pinter. Chaque geste, chaque regard et chaque inflexion de voix cherchent à révéler les émotions des personnages et à créer dans une tension palpable un univers de mensonges, de secrets et de manipulations, entre grâce féline et cruauté sadomasochiste. La scénographie minimaliste et les décors installant les éléments réalistes et symboliques nécessaires pour suggérer les espaces et les atmosphères conduisent l’ensemble du dispositif à centrer l’attention avant tout sur les relations entre les personnages, leurs retenues et leurs dévoilements.
Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux nous offrent ici un feu d’artifices d’interprétations nuancées et incarnées qui rendent les interactions tendues et les échanges verbaux intenses et saisissants. Chaque moment est chargé de l'intensité des dialogues percutants de Pinter et nous plonge dans les subtilités de l'intrigue avec une aisance incroyable, une évidence superbe. Une maîtrise du texte, de la voix et du corps véritablement talentueuse.
Un spectacle mémorable. Une proposition inattendue et une mise en vie captivante magistralement interprétée. À ne surtout pas manquer.
Spectacle vu le 31 mai 2023
Frédéric Perez
De Harold Pinter. Traduction de Olivier Cadiot. Mise en scène de Ludovic Lagarde. Dramaturgie de Sophie Engel. Lumières de Sébastien Michaud. Scénographie de Antoine Vasseur. Collaboration à la scénographie de Éric Delpla. Costumes de Marie La Rocca. Maquillages, perrugues et masques de Cécile Kretschmar. Réalisation sonore de David Bichindaritz. Conception vidéo de Jérôme Tuncer. Assistante à la mise en scène : Céline Gaudier. Assistante à la traduction : Sophie Mckeown. Assistante costumes : Peggy Sturm. Couturière : Armelle Lucas. Assistante maquillage, perruques et masques : Mityl Brimeur. Habilleuses Florence Messé et Noémie Reymond. Maquilleuses Mytil Brimeur, Juliette Hui et Charlène Torres. Régie générale François Aubry et Corto Tremorin. Construction du décor Atelier Du Grand T – Nantes.
Avec Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux.
Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 17h00
Place Charles Dullin, Paris 18ème
01.46.06.49.24 www.theatre-atelier.com