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Quelle charmante échappée délurée et comique, avec ces cinq pièces en un acte de Sacha Guitry rassemblées ici en un seul spectacle. Du théâtre de boulevard bien léché avec ses personnages typés et ses situations teintées d’élégance taquine et savoureuse.

« Bons mots, quiproquos, disputes et rebondissements nous plongent en 1955 en plein cœur du vieux Paris. Des couples se font, se défont, se réconcilient, se croisent, se séduisent, se vengent, se défient et s’aiment... ’’L’amour, c’est des grands mots avant, des petits mots pendant, des gros mots après’’ disait Sacha Guitry. »

Les bons mots jaillissent, pétillent et éclairent les situations inattendues mais tellement prévisibles quand on se laisse porter dans l’univers railleur et rieur du dramaturge boulevardier. Ici, la colère se fait guillerette, la politesse vacharde. Et comme d’habitude chez Guitry, les couples s'examinent et s'évaluent, se confrontent et se taquinent, se croisent et se séparent. Et les femmes au final, sourient.

Etonnant tout de même cette démonstration de force et de finesse des personnages féminins dans ces cinq pièces particulièrement, qui fait admirablement ressortir l’éclat de leur puissance, et que le jeu véritablement adroit des trois comédiennes expose avec justesse. Guitry pourtant si décrié quant à son attitude vis-à-vis de la gent féminine.

Et oui, la réputation de misogynie conférée à Sacha Guitry, si elle est parfaitement avérée au regard de sa vie privée mondaine et fastueuse où son appétence à séduire toujours et encore comme ses piques acérées adressées au "beau sexe", l'ont vouée aux gémonies, il n’en reste pas moins que son théâtre le corrige. Mais peut-être a-t-il donné le change ainsi ? Car enfin, le dramaturge a non seulement accordé une place souvent centrale aux femmes dans son œuvre mais aussi un statut progressiste et avant-gardiste pour l'époque. Un paradoxe qui n’agit pourtant en rien sur la qualité du répertoire de l’auteur, répertoire devenu un classique du théâtre français.

Le spectacle le montre ardemment avec une fureur délicate et roublarde à la fois. Le choix de ces cinq pièces se révèle astucieux et formidablement efficace pour illustrer tout l’art de Guitry et notamment ses perles théâtrales illustrant les femmes en autorité, qui agissent et réussissent à leur gré. Ses femmes de théâtre sont libres et actives. Elles se montrent très souvent influentes, proclament leurs désirs et leurs aspirations, et ne se laissent pas entraver par la morale. À une période où le rôle de la femme était notoirement limité à l'environnement domestique.

Le spectacle s’installe dans le Paris des années 50, intégrant des éléments de décor typiques de cette époque. Mais les actions de chacune des pièces s’appuient sur les aléas de la relation interpersonnelle homme-femme de la bourgeoisie gantée, et en cela semblent traverser le temps sans sourciller. Les circonstances deviennent intemporelles et légères, leurs déséquilibres ne tombent jamais dans le drame. Au contraire, la gaité se fait reine et son charme opère.

Laure Tregouët réalise une mise en scène et une direction de jeux remarquables, minutieuses et rythmées. Sarah Gaumont, Fréderic Valentin (hier soir), Nathalie Trégouët, Vincent Varinier (hier soir) et Laure Trégouët s’en donnent à cœur joie et montrent une vivacité joyeuse, ni trop ni pas assez, dans une atmosphère résolument débridée, toujours fidèle au style élégant et piquant de Guitry.

Un « Guitry » réussi. Tout son art est ici superbement mis en vie et particulièrement bien joué. Un spectacle à voir sans hésiter.

 

Spectacle vu le 11 mars 2025

Frédéric Perez

 

De Sacha Guitry. Mise en scène Laure Trégouët. Costumes Claire Avais. Lumières Élodie Murat.

Avec Sarah Gaumont, Fabrice Pannetier ou Fréderic Valentin, Nathalie Trégouët, Vincent Varinier ou Alain Cerrer et Laure Trégouët.

 

Photos © DR
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