Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Une théâtralité originale et éclatante pour offrir en spectacle ce poème d'amour de Jean Genet, fait de cruauté et de passion sécrétant un adieu résigné à l’homme aimé dans une ode illuminée à l'art circassien.

« C’est l’un des plus beaux chants d’amour de Jean Genet. Celui qu’il adressa à son jeune amant acrobate, Abdallah Bentaga, dont la danse sur le fil défiait le vertige et la mort, et qui, tragiquement, mettra fin à ses jours. »

Un texte rude de Jean Genet regorgeant de mots d’amour, de tendresse et de mort, à la puissance évocatrice impressionnante. Ces mots s’adressent à son jeune amant, le funambule. Ils disent vouloir l'aider à atteindre les sommets de sa discipline tout en lui témoignant un profond attachement mais peut-être ce flot quasi interrompu de paroles masque la douleur de l’auteur face à la séparation ultime inéluctable. On ne le sait pas assurément, on le ressent toutefois.

Le spectacle commence dans une clarté obscure, bousculée tout à coup par la voix de Philippe Torreton qui campe le personnage de Jean Genet. Au fur et à mesure que le temps passe, le décor se révèle. La magnifique scénographie de Raymond Sarti montre un cirque délaissé où chaque détail semble avoir été minutieusement réfléchi. Un espace encombré, une beauté triste et déchirée.

Deux narrations se déroulent en parallèle. Genet écrivant et discourant, et Bentaga illustrant les moments marquants de ce qu’il semble être ses dernières heures. Parfois les récits se rejoignent, se frôlent ou se superposent. Deux narrations captivantes qui apparaissent dans une forme de réalisme onirique intense où seule la musique de Boris Boublil, interprétée en direct, compose un univers proche du réel.

C’est une prestation artistique aboutie et spectaculaire où les jeux du comédien, du circassien et du musicien s'entremêlent et se conjuguent. Les interprétations font ressortir avec force la passion et l’affrontement qui relient les deux protagonistes.

Lucas Bergandi (hier soir) est le funambule. Son jeu offre non seulement une remarquable performance circassienne mais aussi une prestation théâtrale. Il nous fera partager avec finesse sa douleur à la fois corporelle et sentimentale et nous fera vibrer par sa prestation sur le fil.

Entre la diction pesée et brillante du comédien Philippe Torreton et les paroles de l’auteur, nous sommes pris dans un ailleurs intime, magnifique et prégnant. Torreton sert avec un brio manifeste l'écriture de Genet et fait habilement ressortir toute la poésie retranchée dans les caches du texte. Jusqu'à dégager un charme trouble et violent. Une fascination séductrice et imparable émane de ses mots.

Un remarquable moment de théâtre, circassien et musical. Une esthétique d’ensemble troublante, belle et touchante. Un spectacle impressionnant.

 

Spectacle vu le 13 mars 2025

Frédéric Perez

 

Texte Jean Genet. Conception et mise en scène Philippe Torreton. Composition musicale Boris Boublil. Chorégraphie Julien Posada. Scénographie Raymond Sarti. Lumières Bertrand Couderc. Costumes Marie Torreton. Collaboration artistique Elsa Imbert et Marie Torreton. Regard chorégraphique Dalila Cortes. Construction décor Atelier de la MC2 Maison de la Culture de Grenoble.

Avec Lucas Bergandi ou Julien Posada, Boris Boublil et Philippe Torreton.

 

Photos © Pascale Cholette
Photos © Pascale Cholette
Photos © Pascale Cholette
Photos © Pascale Cholette
Photos © Pascale Cholette

Photos © Pascale Cholette

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :