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Quelle audace de transformer la nouvelle courte de Luigi Pirandello, Amicissimi, en un véritable moment de théâtre vivant ! Lucia Pozzi relève brillamment ce défi par son adaptation. En à peine cinquante minutes, elle plonge le spectateur dans le labyrinthe de l’incommunicabilité, cher à l’auteur. C'est succulent, intelligent et très bien fait.

« Une rencontre insolite entre Luigia Meari, héritière désargentée descendant d'une famille noble, avec un homme mystérieux, envahissant qui prétend être son Ami de toujours. Luigia, avec la complicité de sa bonne Andrea, lui ouvre sa porte, bien qu'elle ne le reconnaisse pas. A-t-elle perdu la mémoire ou ne veut pas se souvenir ? Lui, l'ami, est-il sincère ou est-ce un escroc qui profite de la situation ? »

Le choix de Pozzi d’inscrire son adaptation dans un univers minimaliste, presque épuré, nous permet de retrouver toute la force de narration de l’illustre précurseur de l’absurde et de faire émerger son ironie latente et la finesse de son humour dans les moindres situations décrites.

L’analyse psychologique des personnages embringués dans les méandres de l'amitié pique à point et sonne juste. Pirandello, et cette adaptation théâtrale le montre très bien, ne se contente pas de nous montrer les aspects positifs et réconfortants de cette relation. Il explore également ses zones d'ombre, ses non-dits, ses trahisons et ses déceptions. C'est une vision réaliste et parfois cruelle de l'amitié, mais qui résonne avec une vérité indéniable.

Pirandello savait combien l’absurde bascule souvent dans le comique. Pozzi s’en empare en mettant en lumière les petites touches burlesques émergentes. La mise en scène, sobre et efficace, agit avec délicatesse et audace, modifiant légèrement les personnages pour mieux faire résonner les questions de la confiance ou de la manipulation. Le spectateur, pris par ce jeu d’ombres et de faux-semblants, sourit tout le long et rit souvent.

Emmanuel Baillet et Hervé Belmontet, tous deux excellents, incarnent avec justesse des personnages tourmentés par leurs doutes et leurs contradictions. Leur jeu, à la fois naturel et précis, nous permet de nous identifier à leurs questionnements et de nous immerger dans leur récit. Lucia Pozzi apporte une touche de fraîcheur et de sensibilité qui équilibre les tensions en jeu. Elle et ils forment un trio complémentaire et efficace et ne cherchent ni la surenchère ni l’émotion ostentatoire. Chacun avance à tâtons comme des funambules sur un fil et incarne cette folie douce qui rend le texte savoureux, sans jamais le trahir.

Un spectacle court, soigneusement pensé, généreux dans la direction d’acteurs et la mise en scène, très bien servi par une distribution pleine d’alchimie. Un Pirandello réussi avec sa mise en abyme du théâtre qui file tout le long et nous embarque, nous spectateurs, sur le fil ténu d'un métathéâtre en temps réel. Un coup de cœur !

Spectacle vu le 24 juillet 2025

Frédéric Perez

 

De Luigi Pirandello. Adaptation et mise en scène de Lucia Pozzi.

Avec Emmanuel Baillet, Hervé Belmontet et Lucia Pozzi.

 

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