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Attention, je préviens, ce spectacle est une petite pépite brillante ! Un spectacle riche et drôle incarné par un comédien exceptionnel, Hassan Tess, qui sert Matei Vișniec avec une subtilité finement travaillée, une espièglerie fourbe et un abattage redoutable. Une superbe surprise.
« À travers huit textes issus du ’’Théâtre décomposé ou l'homme poubelle’’ de Matéi Visniec, Monsieur Jean, personnage naïf, au costume étriqué, ne va cesser de s'étonner devant un monde devenu fou. Chaque histoire est un gouffre qui s'ouvre, précipitant notre personnage aux confins de l'absurde. Sa survie, il la doit à son naturel spontané et à sa candeur. »
Il y a dans le théâtre de Matei Vișniec une lucidité tranchante. Une écriture qui creuse les plis du réel pour en faire jaillir l’absurde. L’absurde en éclats de réel. Non pas l’absurde qui fait seulement rire, mais celui qui dévoile aussi.
Les huit textes issus du ’’Théâtre décomposé ou l'homme poubelle’’ ne forment pas un spectacle que l’on regarde passivement. C’est un miroir brisé dans lequel nos instants contemporains nous fixent, un théâtre d'éclats qui nous bouscule et nous interroge sur la condition humaine jetée à la marge.
Vișniec décrit l’homme contemporain comme un être en trop, superflu, remplaçable, un ’’produit” en fin de vie. Ce théâtre dit notre époque avec une ironie cruelle, mais jamais désespérée. L’absurde qui s'envole souvent vers des nuées surréalistes y est une forme de lucidité. Celle qui regarde en face nos mécanismes sociaux, nos hypocrisies, nos renoncements. Et c’est cette lucidité-là que le spectacle capte avec justesse.
Ce ’’Théâtre décomposé’’ est aussi un théâtre recomposé. Un théâtre qui rassemble les pièces du puzzle de notre époque pour les offrir au spectateur comme un tableau au choc salutaire. C’est un théâtre qui refuse la facilité, qui dérange, qui interroge sans donner de réponse. Un théâtre qui nous prend à témoin, et peut-être à partie.
La mise en scène d’Amélie Vignaux saisit l’essence des textes avec une rigueur qui n’exclut jamais la poésie. Elle fait éclater la forme de l'œuvre initiale en une suite de tableaux brefs et de scènes à l’apparente autonomie, portés par un souffle souterrain, un mouvement fluide presque organique.
Le dispositif scénique totalement épuré sert cette parole éclatée avec une grande intelligence. Les silences parfaitement habités par le comédien cultivent une complicité avec le public et en disent plus long souvent que les mots. Amélie Vignaux choisit de ne pas combler les vides, elle les assume. Mieux, elle les travaille. Le spectacle devient alors un lieu de résistance à l’injonction de saturation.
Sur scène, Hassan Tess, seul, multiple, immense. Un artiste sensationnel dont la théâtralité du corps captive. il y a du clown dans son interprétation, de la pantomime aussi. Il traverse les textes comme on traverse un champ de mines. Avec la tension de celui qui sait qu’il porte, à chaque pas, le poids du monde. Il module sa voix, son corps, sa présence, avec une précision saisissante. Il n’interprète pas des personnages, il les fait surgir, les laisse exister le temps d’un éclair, puis les efface dans l’ombre. Superbe !
On ressort de ce spectacle enrichi, avec le sentiment d’avoir assisté à une forme de théâtre de pensée et de chair. Un théâtre qui touche à l’essentiel, qui nous parle et nous regarde. Un théâtre rieur et drôle qui nous oblige à ne pas détourner les yeux. Je recommande vivement ce spectacle.
Spectacle vu le 7 juillet 2025
Frédéric Perez
De Matei Visniec. Mise en scène de Amélie Vignaux.
Avec Hassan Tess.
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