Un spectacle étrange tant il est étranger aux habitudes théâtrales. Un spectacle complice et intime tant il nous parle de soi, d’elle, de moi et de nous. Un spectacle qui traite sans détour de 34 séances d’analyse que l’autrice a vécues, mises en scène et jouent avec l’engagement farouche d’énoncer son expérience et la simplicité d'un dévoilement cru ou tel qu’il veut bien se montrer.
La représentation au théâtre d’une analyse pourrait se révéler incongrue. Pas ici, tant la sincérité du partage prévaut à son impudeur. Les codes de la dramaturgie et du jeu sont là pour préserver le quatrième mur même si le voile tombe plus souvent qu’on ne le pressent, plus souvent que l’on ne s’en rend compte sans doute. C’est fort et profondément touchant.
La relation complexe entre l’analyste (brillante et implacable Isabelle Gomez) et l’analysante (chaleureuse et espiègle autant qu’émouvante Caroline de Diesbach) est incarnée avec une justesse de ton, de postures et de charges affectives perceptibles qui rendent la représentation vraie, on peut croire véritable.
Désir, plaisir, peur, douleur... Frustration, fantasme, identification, renoncement, interprétation… Perte, souffrance, deuil… Dévoilement, quête identitaire, interrogation et introjection du genre ressenti et du genre vécu… Féminité acquise, féminité revendiquée… Conformité et confrontation aux prescriptions parentales, à leurs traumatismes dits ou devinés…
Autant de mots posés, de mots dits, de maux dits que nous entendons dire et qui nous parlent aussi. Joué, dansé ou chanté, ce langage tenu et ténu nous saisit à chaque instant, nous expose à notre propre écoute, nous blesse sans meurtrissure.
Joué avec l’intelligence d’un jeu dépouillé de tout accentuation, avec la précision de deux personnages bien campés, le spectacle est une brillante performance artistique. Les deux comédiennes nous touchent et nous cueillent avec un humour élégant et une évidente volonté de partage.
Un temps de théâtre documentaire et spectaculaire où le témoignage se fait confident et nous invite à nous laisser prendre par cette expérience sensible et poétique qui nous interpelle de bout en bout. Comme une double énonciation grandiose et manifeste, belle et prégnante.
Texte et mise en scène de Caroline de Diesbach. Vidéo de Vincent Forclaz et Julien Valentini. Musisque de Thierry Epinay et Marielle Tognazzoni.
Avec Caroline de Diesbach et Isabelle Gomez.
Jusqu’au 7 mars, lundi, mardi et mercredi à 21h00
7 rue Véron, Paris 18ème
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