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Une formidable immersion dans l’univers singulier et détonant du théâtre de Nicolas Doutey. Un auteur qui place son écriture à la lisère de l’absurde mis en bouteille et agitée fortement, et proche du rêve éveillé venant frapper de plein fouet la raison, laissant notre imaginaire nous lover dans un moment subtil et délicat, un peu fou et chargé de pensées à venir.

« Paul a rendez-vous chez lui avec son ami d’enfance Pierre quand So, adjointe de Matt, arrive. Paul ne connait ni So ni Matt, mais elles ont pris leurs renseignements : le comportement de Paul a retenu leur attention. Matt, une femme politique, tient à le rencontrer pour un projet qui consiste à réformer la portée et l’endroit du politique dans le monde. Paul n’a à sa connaissance pas plus à voir avec la politique que n’importe qui, et il n’est pas bien sûr de comprendre ce dont il s’agit… »

Un spectacle comme une poursuite circulaire, infernale et drôle, du mot, de la situation et du message. Sorte de triumvirat implacable qui structure la dramaturgie de la pièce.

Les mots pris au pied de la lettre jonglent avec le sens, le contre-sens et le non-sens. Ils semblent plongés dans un puits étrange d’où jaillissent tirades loufoques, interjections habiles et traits à l’autodérision signifiante et limpide.

Les situations sont de courte portée, centrées essentiellement sur les mots dits et donnant corps aux passages entre les idées et les personnages, servant de liants aux désirs de dire et aux besoins de comprendre.

Les messages piquent le public de leurs paradoxes. Entre l’individualité des évocations du quotidien, leurs insignifiances probables et leurs importances probantes pour les personnages, et les invitations à raisonner ce qui fonde la vie collective, ce qui façonne l’Idéal Politique.

Il y a là une poétique de l’énonciation élaborée et simple à la fois, complexe et accessible avant tout, et délibérément drôle.

La mise en scène de Alain Françon sert le texte avec précision, sans appui, le laissant agir et donnant aux comédiennes et aux comédiens le soin de l’habiter et de le rendre au plus près, proche de nous, de notre sensibilité et de notre appétence à l’appropriation de ce qui est dit pour le penser.

Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié et Claire Wauthion incarnent le texte avec une aisance habile teintée de courtoisie car chez Doutey, il semble que les personnages ne s’opposent pas, ils s’allient. Les artistes le vivent avec évidence et montrent une maitrise du corps et de la parole exemplaire pour cette partition qui repose essentiellement sur le langage. Elles et ils nous captivent par les liens qu’ils arrivent à tisser entre les personnages, d’une bienveillance sereine et intrusive. Chaque temps devient un instant essentiel, léger ou profond, souvent les deux.

Un spectacle comme une expérience théâtrale faite d’un imaginaire confronté à l’exposition d’un texte charnu, d’actions simples et congrues, et dotée d’une incarnation édifiante et toujours significative. Un très beau moment de théâtre à la singularité prégnante.

 

Spectacle vu le 15 février 2023

Frédéric Perez

 

Texte de Nicolas Doutey. Mise en scène de Alain Françon. Scénographie de Jacques Gabel. Lumières de Émilie Fau. Regard costumes de Elsa Depardieu. Régie générale de Marine Helmlinger.

Avec Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié et Claire Wauthion.

 

 

Jeudi, vendredi à 20h30 et samedi 18 février à 18h

159 avenue Gambetta, Paris 20ème

01.42.55.55.50  www.theatre-ouvert.com

 

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

Photo © Christophe Raynaud de Lage

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