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Une comédie noire aux atours satiriques et grinçants qui plonge l’argument dans une forme quasi mélancolique du mal d’être troublant et touchant d’un homme qui vient devant nous talquer sa rancœur d’une haine aride et cocasse, et l’envelopper du velours de la folie.

« Un auteur dramatique qui semble déconnecté du monde ne libère sa parole que pour vociférer à l’encontre des metteurs en scène qui ont monté ses œuvres, suscitant l’émoi de sa maitresse, trop pressée de l’épouser afin d’être la seule bénéficiaire de ses droits d’auteur, une fois celui-ci décédé. Prête à tout pour le voir recouvrir une partie de ses esprits, elle convoque l’un des interprètes de ses textes, gageant que de vieux souvenirs de Théâtre sauront réordonner ses neurones trop dispersés. Elle ira jusqu’à appeler auprès de lui son ancienne compagne, une actrice célèbre. »

L'auteur dramatique a-t-il des comptes à régler avec son entourage ou se prend-il les pieds dans sa propre fiction, sorte de fuite en avant comme le sont les échappées belles d’un trop plein étouffant ? Théâtre et réalité se croisent, fiction et rationalité s’entrechoquent, absurde et surréalisme se superposent, notre imagination est convoquée à chaque détour du récit, à ses silences comme à ses moments discursifs désappointants. Une plongée dans un univers grotesque, onirique et enchanteur.

Les personnages en quête d'auteur - à moins que cela ne soit le contraire - entourent ce bougon admirable et cinglant, et contribuent à faire glisser peu à peu le propos vers une loufoquerie délirante et absurde qui renforce la noirceur désespérée du récit. Une façon singulière de narration à laquelle Rémi De Vos nous a habitué et que nous retrouvons avec un plaisir goulu et savoureux.

Fidèle à ses faux-semblants parsemés, De Vos nous balade dans un de ses fameux labyrinthes narratifs, truffé de situations colorées par des saillies souvent drôles et au couperet glaçant, sublimé par l’expressivité magnifique d’une distribution en verve et d’une mise en place habile.

La mise en scène de Dan Jemmett assisté par Noémie Pierre, donne au récit une vigueur singulière dans un rythme qui convient tout à fait à la déroute ambiante. Les échanges revêtent une profondeur laissant apparaitre avec finesse les fragilités qui se cachent et se dévoilent. La fluidité des décalages en fondu-enchaîné nourrit l’illusion de bout en bout.

Valéry Crouzet (pêchue), Clotilde Mollet (ah ce timbre de voix et cette variation d’intonations, quel régal), Grégoire Œstermann (toujours aussi efficace et déroutant) et Hervé Pierre (à nouveau magistral et impressionnant, il parle ? on y croit, il bouge ? on y est) donnent à leurs personnages des allures et des postures à la fois pathétiques et hilarantes, féroces et étranges, teintées souvent d’une forme de tendresse apparente aux accents doucereux inattendus. Elles et ils portent la pièce avec sincérité et une dextérité éclatante. Une véritable incarnation. On s’y fait prendre.

Voici un nouvel opus captivant et drôle de Rémi De Vos servi par une mise en vie véritablement remarquable. À ne surtout pas manquer.

 

Spectacle vu le 24 septembre 2023

Frédéric Perez

 

De Rémi De Vos. Mise en scène de Dan Jemmett assisté par Noémie Pierre. Scénographie de Dick Bird. Costumes de Sylvie Martin-Hyzska. Lumières de Arnaud Jung.

Avec Valéry Crouzet, Clotilde Mollet, Grégoire Œstermann et Hervé Pierre.

 

 

Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00

Carré Marigny, Paris 8ème

01 86 47 72 77 www.theatremarigny.fr  

 

Photos © DR
Photos © DR
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