Un délice de spectacle musical. On est pris aussitôt et on ne relâche pas l’attention ni l’écoute pour ne rien manquer des séquences qui se succèdent à un rythme vif et allègre. Un spectacle qui réussit la gageure de proposer à la fois une partition complexe mais légère, recherchée mais accessible, avec un choix de textes éclectique et audacieux, délibérément fantasque, dans une mise en vie tâtant souvent d’un burlesque poétique déjanté.
« Ce concert regroupe des auteurs-compositeurs qui relèvent le défi ’’écrire, composer, arranger’’ autour de Jean Sébastien Bach. Le parti pris est de casser les codes : plus de partitions, plus de chaises, pour que le musicien soit enfin libre ! Un concert « mis en scène » avec quatre interprètes aux tempéraments complémentaires, quatre virtuoses surprenantes pour un concert insolite autour du Dieu des musiciens, Jean Sébastien Bach. »
Attention, je préviens, c’est comme une balade au bord d’un lac où des torrents surgissent et éclaboussent les promeneurs. D’un moment à l’autre, la surprise qui semble nous guetter nous capte tout à coup, nous enveloppant aussitôt dans une sorte de jouvence musicale, de chaleur agréable comme une caresse tendre ou un éclat de rire.
L’idée de revenir ainsi sur le répertoire de Bach est véritablement géniale. Sa musique est tellement riche. Les mélodies claires et légères ou profondes et graves, allant de l’air à chanter au lyrisme appuyé, traversent les morceaux choisis, truffés des jonglages savants de notes avec les fameux contrepoints et autres jeux d’harmonie. La richesse de l’écoute nous touche et nous transporte.
Par ailleurs, et c’est la cerise sur le gâteau, parcourir les chemins détournés de nombre de compositeurs et d’auteurs qui se sont emparés des différentes œuvres emblématiques pour proposer des arrangements, des extrapolations, ouvrant la voie à l’imaginaire, à la rêverie ou à la brillance de la virtuosité, se révèle un choix des plus judicieux et spectaculaires. Un buffet de délices, une cascade de bonheurs.
La magie des jeux remarquables de mesdemoiselles Anne Baquet (soprano), Claude Collet (piano), Amandine Dehant (contrebasse) et ce soir Anne Regnier (hautbois et cor anglais), est saisissante et opère à chaque coup. Qu’elles jouent ou chantent en solo, en duo, en trio ou ensemble, la musicalité, le tonus et la vélocité sont bien là, tout en puissance et en nuances. À noter, les superbes moments de polyphonie savante et soignée, maîtrisée avec une finesse aiguisée et une fluidité impressionnante.
La mise en scène rieuse de Gérard Rauber ne s’encombre pas d’effets inutiles ni d’accessoires. Un jeu de lumières efficace et les instruments de musique suffisent amplement pour laisser place simplement et assurément aux saveurs du talent des quatre artistes. Il y a comme un velouté de charme dans l'interprétation et une beauté musicale piquée d'un humour espiègle et complice qui file tout le long.
Un délicieux concert théâtral, loufoque et riche, de haut niveau artistique. Un moment mémorable à ne surtout pas manquer. Courez-y !
Spectacle vu le 20 mars 2024
Frédéric Perez
Mise en scène de Gérard Rauber.
Avec Anne Baquet, Claude Collet, Amandine Dehant et Anne Regnier ou Ariane Bacquet.
Le répertoire :
De Bach Forever (Damien Nédonchelle, d’après le concerto en mi majeur de J.S. Bach) - Just in time (Betty Comden, Adolph Green - Jule Styne, J.S Bach - arrgt: Leonard Bernstein), Badinerie (J.S. Bach) - La petite fugue (Maxime Leforestier), Menuet 1 de la 3e suite pour violoncelle (J.S. Bach) - Bacchanales (Saint-Saëns) - Ma plus courte Chanson (François Morel – J.S. Bach, Damien Nédonchelle) - Musette (Anna-Magdalena Bach) - Contre, tout contre, Bach (Jean-Philippe Viret) - 12345 (Isabelle Mayereau - Marie Paule Belle) - Ça rame (Philippe Decamp – J.S. Bach, François Rauber) - adagio (J.S. Bach, Marcello) - Eine Kanone (domaine public) - Toccata en ré mineur (J.S. Bach) - B-A-C-H (Arvo Part) - Si j’avais un marteau (Hays Lee, Peter Seeger adapt. : Buggy vline – J.S. Bach) - Circus Waltz (Nino Rota) - D’abord ton Bach (Bernard Joyet – J.S. Bach) - Menuet 2 de la 3e suite pour violoncelle (J.S. Bach) - Toccatina (Nicolaï Kapoustin) - Piano Bartok (Philippe Decamp -Claude Collet) - Zapping alphabétique (Arrangement Gabriel Phillipot).
Du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 16h
53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6ème
01 42 22 66 87 www.lucernaire.fr