Un spectacle dans lequel on plonge, comme on plonge dans un souvenir ou dans un rêve éveillé. Tant le récit vient nous parler tout près, nous effleurer jusqu’à nous toucher peut-être si l’on se laisse aller et prendre dans cette histoire simple et prégnante d’une amitié qui semble indéfectible.
« Maxime et Émile ont 15 ans et préparent le CAP cuisine. Issus de milieux sociaux et culturels très différents, les deux garçons se lient d’amitié, se soutiennent, s’encouragent et deviennent rapidement inséparables. Leur complicité est puissante et joyeuse. Mais l’exigence du métier, la cruauté du monde, de ce milieu implacable, les blessures de l’enfance, malmènent soudain leur lien… Qu’adviendra-t-il de leur amitié ? »
Passée au crible des épreuves, broyée ou réparée, l’amitié de Maxime et Émile est là, inéluctable pacte non-dit mais celé par la puissance du désir pour chacun d’entre eux, d’une vie réussie, pleine et entière. Et aussi par le besoin d’être protégé et de protéger, de compter sur l’autre comme sur son double.
Une amitié comme celle-là, c’est pour toujours ou c’est jamais !
Dans un environnement socioprofessionnel rude en compromis, celui de la gastronomie, où la performance individuelle est exacerbée et les compétences personnelles souvent mises en concurrence, comment ces deux amis peuvent-ils surmonter ces empêchements à la relation étroite et significative qui les lie sans toucher à la complicité et la confiance, la compréhension et le soutien réciproque, autant d’égards qui fondent l’acceptation inconditionnelle de l’autre ? C’est le nœud du récit, c’est l’attrait formidable de sa narration.
Avec une écriture précise et documentée, faite de dialogues et de situations vrais, l’auteur Clément Marchant met en scène avec précision et un rien de distance préservant la pudeur du dévoilement, ces deux parcours de vie aux croisements partagés qui évoquent avec sensibilité les bonheurs et les heurs d’une amitié véritable et unique. Amitié véritable et unique comme le sont celles vécues, espérées ou fantasmées dans lesquelles le spectateur ne peut que s’identifier.
L’esthétique d’ensemble est soignée et cohérente. La musique de Patrick Biyik, la chorégraphie de Delphine Jungman, les lumières de Julien Barillet, la scénographie de Natacha Markoff et les costumes de Juliette du Pont de Romémont, tout concoure à un ensemble harmonieux, faisant une belle place aux deux comédiens, les laissant à l'œuvre pour nous embarquer dans cette histoire.
Jean-Baptiste Guinchard et Guillaume Tagnati jouent de nuances et d’éclats pour camper chacun des deux amis et nous faire croire sans détours ni ambages à la sincérité de leurs propos, à l’engagement de leurs actions. Du très beau travail d’interprétation où les rôles se fondent en eux. Une incarnation véritablement crédible et convaincante. Le récit nous atteint et fait mouche, l’émotion passe la rampe.
Un spectacle impressionnant, baigné d’humanité et aux contours cathartiques, où il fait bon de se glisser. On en sort touchés et ravis, avec un goût de plaisir, des pensées dans la tête. Je conseille ce spectacle mémorable.
Spectacle vu le 15 juillet 2023,
Frédéric Perez
Écrit et mis en scène par Clément Marchant. Musique de Patrick Biyik. Chorégraphie de Delphine Jungman. Lumières de Julien Barillet. Scénographie de Natacha Markoff. Costumes de Juliette du Pont de Romémont.
Avec Jean-Baptiste Guinchard et Guillaume Tagnati.
12h00 – Relâche les lundis