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Un spectacle riche et vif, aussi tendre et drôle qu’inquiétant et déroutant. La démesure provocante et diserte de l’argument est présentée dans une simplicité étonnante et prégnante. Un spectacle qui déconcerte, émeut et tient en haleine tout le long.

« La vie ne serait-elle pas tout simplement un espace-temps un peu fou entre la vie et la mort ? Les êtres humains ne sont-ils pas tous capables de réactions plus ou moins incohérentes, lorsqu’ils approchent de l’abîme ? »

Dans son choix de mise en scène, Thierry Harcourt met en place une narration pure et sobre du texte, sans appui sur les jeux. Des chaises et deux marchepieds comme accessoires, point barre. Une adroite et délicate finesse dans la mise en vie de la pièce montre les deux personnages dans leur intimité partagée et leur extravagance explosive, leur amour en harmonie mêlé avec l’énergie du désespoir.

Comme un rêve agréable aux détours cauchemardesques. La version de ce texte mythique illustre une conjugaison singulière de la raison et de l'imaginaire dans le rapport à la mort avec les peurs et les fantasmagories qu'elle charrie. C’est très bien fait.

Les illusions et les confusions innombrables parsemées troublent la perception de cette réalité crue et franche à laquelle nous assistons. Plus les marques du réel apparaissent sur scène, plus l’angoisse fantomatique des personnages s'immisce dans l’imaginaire du spectateur. Nous sommes perplexes, happés, impatients devant de ce récit magnifique.

Cette « farce tragique » comme la désigne l’auteur lui-même, joue d’une vraisemblance qui titille par sa franchise et qui fait rire par son incongruité.  Cet irrationnel fantastique cher à Ionesco où l’irréalité se transforme en un chaos imaginaire nous transporte dans un ailleurs immédiatement insolite.

Ce couple qui s’emballe, pris peu à peu dans le tourbillon de l’urgence d’en finir, et ces scènes qui s’enchainent à un rythme effréné dans une prolifération de vacuités, s’inscrivent dans une théâtralité puissante où la force intrinsèque du texte s’instille, nous saisit et nous touche.

Le pari de ce parti pris singulier est relevé par Bernard Crombey, majestueux clown solaire, et Frédérique Tirmont, véritablement impressionnante dans ses nuances mutines et attendrissantes, nostalgiques et hystériques. Deux incarnations stupéfiantes et habiles du Vieux et de la Vieille, simples et profondes à la fois, qui donnent à chaque instant son importance. Elle et il nous tiennent par le fil ténu mais magique du trouble merveilleux qu’ils distillent. Deux comédiens superbes, littéralement époustouflants.

Ce spectacle relève de l’excellence. Un moment mémorable comme le sont ces moments de théâtre où l’épure sert le texte autant qu'une remarquable interprétation le vit. Un incontournable Ionesco que je conseille vivement.

 

Spectacle vu le 25 janvier 2024

Frédéric Perez

 

 

De Eugène Ionesco. Mise en scène de Thierry Harcourt assisté par Clara Huet. Musique de Tasio Caputo. Lumière de Thierry Harcourt et Pascal Araque. Costumes de Laurent Mercier.

Avec Bernard Crombey et Frédérique Tirmont.

 

 

Du mardi au samedi à 18h30 et le dimanche à 15h00

53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6ème

01 45 44 57 34 www.lucernaire.fr

 

Photos © Fabienne Rappeneau
Photos © Fabienne Rappeneau
Photos © Fabienne Rappeneau
Photos © Fabienne Rappeneau

Photos © Fabienne Rappeneau

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